A voir la nuée de caravanes blanches qui s'étaient posées sur les herbages de La Prade on aurait pu croire que les gens du voyage, alertés par les fêtes de Saint-Pierre de la Mer, se précipitaient sur notre commune pour y fêter dans la foulée leur révérée patronne, la sainte Marie de la mer. D'aucuns plus prosaïques pensaient que la célébrité des dindes et autres volatiles du parc communal en avaient attiré certains et que d'autres étaient en revanche plus sensibles à la belle notoriété du kiosque parisien, bientôt classé à l'inventaire supplémentaire des sites et monuments locaux à visiter.
En fait, l'histoire a prouvé que la démarche des réputés évangélistes était moins catholique qu'il n'y semblait. Leur invasion sur l'espace vert de prestige de Saint-Cyprien était une sorte de prise d'otage, leur permettant de négocier avec "l'autorité publique" une installation confortable. Dresser là, au coeur de la commune, et face au parc résidentiel de loisirs multi étoilé de M. Ambroise un campement sauvage de "nomades", ou comme on disait autrefois de "gitans", de "romanos", de "SDF" (Dieu merci le vocabulaire s'est policé) était d'une habileté subtile pour faire réagir un maire susceptible sur l'image de sa commune et accessoirement une préfète très attachée, on le sait, aux campings d'ici.
La manoeuvre a été bien menée par les évangélistes qui ont obtenu sans tarder, dans le secteur de Villerase, la réquisition (par la préfecture) d'un beau pré, jouxtant le poste de dérivation EDF, permettant un raccordement électrique, et face à un lopin de vigne utilisable en feuillées (au sens scout ou militaire du terme). L'alerte a sonné en début d'après-midi; à 17 h 30 la police et la gendarmerie s'affairaient déjà autour de ce terrain alors cloturé; à 20 heures les services techniques de Sud-Roussillon s'y démenaient encore pour tirer des cables et un tuyau d'incendie afin d'apporter aux voyageurs le minimum de confort sédentaire (en eau et électricité) auxquels la liberté de circulation leur donne droit aux dépens de contribuables résidents ... pendant que lesdits voyageurs prenaient paisiblement sous leurs auvents le rafraîchisement et le diner qu'ils avaient bien mérités. On ignore s'ils ont eu la délicatesse de proposer aux agents publics de se désaltérer avec eux à la fin de leur tâche.
Donc de ce côté, les choses sont claires : les voyageurs ont bien joué, ils ont gagné, le chantage a payé: la crainte de détérioration du parc public, de ses promenades, de sa faune et de sa flore, l'atteinte à l'image tranquille, familiale et sportive de la station, ont eu vite raison des principes, des règles, des organisations. Sans doute ces principes, ces règles, ces organisations ne sont-ils pas adaptés à la réalité des problèmes et n'apportent-ils pas une solution adéquate aux besoins. Sans doute était-il expédient de s'en tirer ainsi, en y dérogeant, pour ne pas perdre du temps et aggraver la complexité du problème.
Il n'en reste pas moins que, encore une fois, la force du fait accompli l'a emporté, le chantage, la menace, la trangression ont fait la loi : les voyageurs ont imposé leur loi aux autorités de la commune et de l'Etat. Peut-on au moins espérer que celles-ci sauront en tirer la leçon, c'est-à-dire trouver concrètement des formules d'accueil mieux adaptées aux besoins (et aux exigences) que les actuelles installations afin de pouvoir les imposer sans faiblesse? Pour faire respecter une règle de droit et une organisation il faut que celles-ci soient valables, viables, acceptables: ce n'est pas le cas aujourd'hui, alors c'est la jungle, les collectivités proposent, la masse des caravanes dispose.
Du côté de "l'autorité" en revanche quel pataqués! Pitoyable et dangereux pataqués étalé sur la place publique ... alors qu'on négociait en coulisse. Outre un intense phoning (l'hôtel de vile est bien rodé après toutes ces campagnes électorales) la mairie faisait envoyer vers 15 heures à tous les présidents d'association le message d'alerte et de mobilisation suivant :
ce message est expédié par M. Daniel NEGRE [mailto:negre.daniel@gmail.com] sans qu'on sache à quel titre ce monsieur sans responsabilité officielle (connue) est mandaté par le maire: est-ce l'époux de l'adjointe du même nom ou le "pied-noir" qui est investi d'une mission de police ou d'agit-prop? (notez en passant que le camping géré par M. Ambroise est redevenu Al Fourty ... nous avions raison)
C'est une grande première à Saint-Cyprien !
Le peuple est appelé à la rescousse du maire par le responsable des pieds-noirs ! le maire, chef de la police, aurait-il pris peur face au chantage des évangélistes et voulait leur opposer l'alliance des dentellières, des chanteurs de Tutti Canti, des joueurs de pétanque et, entres autres, des adeptes du yoga ou de palengrotte ?
La manif a foiré,
la photo de l'Indépendant illustre la présence de "la population" par quelques promeneurs, piétons ou cyclistes, mères de famille avec poussette et gamins et bien sûr les municipaux commis d'office à la figuration. Un message, envoyé à 17 h 25, en a pris acte en annonçant que la manifestation programmée à 17 heures était annulée ... on sait pourquoi!
Mais cette instrumentalisation des associations - subventionnées par la commune - est indigne en démocratie : le maire y est élu pour faire régner la paix sociale non susciter des affrontements, prévenir les désordres non les organiser, maintenir la tranquillité publique en prenant lui-même, à titre personnel, les décisions que le maintien de l'ordre impose et que la loi organise. Il s'appuie pour cela sur les forces de l'ordre, non pas sur les citoyens ou tel ou tel groupe choisi. Une commune française en 2015, même dans le sud profond, n'est pas un far west où le shérif recrute au coup par coup des policiers et des justiciers.
Le PG 66 (avec lequel nous ne pouvons pour un fois qu'être d'accord) a raison de souligner le caractère démagogique de l'appel au peuple (voir son communiqué ci-dessous). D'autres responsables, politiques, intellectuels ou administratifs, le feront-ils?
Mardi 7 juillet, en début d’après-midi, un peu plus de deux cents caravanes de gens du voyage s’installaient sans autorisation sur une partie du parc de La Prade à Saint Cyprien.
« Avant 18 heures, elles s’ébranlaient à nouveau pour finalement s’installer légalement sur un autre terrain au bord de la ville.
Entre temps, le maire de Saint Cyprien ne s’était pas contenté de discuter avec les gens du voyage pour évoquer leur installation sur un terrain adéquat ; il avait, avant même de les rencontrer, fait téléphoner par les services municipaux aux habitants de la commune pour leur demander de manifester le jour même contre la présence des gens du voyage.
Le Parti de Gauche 66 condamne très fermement ce genre de pratique qui consiste à monter les citoyens les uns contre les autres ; il dénonce un acte irresponsable et démagogique de nature à nourrir les préjugés dont font l’objet les gens du voyage. Il appartient au premier magistrat d’une commune de faire respecter la légalité, certainement pas de donner des occasions de faire naître le désordre, encore moins de livrer en pâture à quelques administrés apeurés un groupe de nos concitoyens pour bouc-émissaires.
Dans un État de droit, les justiciables ne sont point justiciers.
Fort heureusement, l’appel n’a pas mobilisé au-delà du petit cercle des amis politiques de Monsieur le Maire. La bonne volonté manifestée par les gens du voyage a permis de trouver rapidement une solution. »