* La crèche en mairie relève-t-elle en 2015 d’un geste culturel, attendrissant en ce temps de l’avent, prémices de fêtes enluminées ?........................................... * S’inscrit-elle, au-delà de la laïcisation commerciale de Noël, dans une symbolique religieuse indécente en ce siège local de la République laïque ? ................... * Est-elle, pire encore, un signe politique trouble en cette période post-traumatique et pré-électorale ?
L’interrogation est lourde. Et les réponses apportées dans les micro trottoirs aussi affligeantes de naïveté primaire que les discours officiels des uns et les silences des autres sont irresponsables ou démagogiques. D’un côté les « traditions », de l’autre la laïcité : le débat médiatisé, à des fins de communication personnelle, mobilise l’histoire, les mots abstraits, les émotions ou les simplismes bien plus qu’il ne fait appel à la raison et au bon sens. Il faut en rester à la réalité des choses donc au sens des mots.
Sans plonger dans la catéchèse, redonnons un peu de sens à la Nativité en reprenant les formules du pape François qui en 2013 définissait Noël comme une fête de la foi et de l’espérance qui surpasse l’incertitude et le pessimisme. Il prêchait que la naissance du Christ et sa venue en ce monde, marqué par tant de belles choses et tant de maux, lacéré par les divisions et les guerres, l’oppression et la pauvreté, témoignaient pour les chrétiens que Dieu s’est mis pour toujours du côté de l’humanité, pour la sauver et la relever de ses misères et de ses fautes. Il rappelait ce qu’est la Nativité : « le grand cadeau de Bethléem de cette descente sur terre petit homme, pauvre et pourchassé, est une invite pour les croyants à lui être semblables, à éviter de dominer les autres mais à se mettre au service de l’autre. Petits avec les petits, pauvres avec les pauvres… Etre solidaires à leur côté doit être traduit dans l’éloquence des gestes, non des paroles. Que serait un chrétien qui ne s’abaisserait pas et ne servirait pas? Un païen! ».
Ceci simplement pour rappeler que la nativité n’est pas une tradition, un élément du patrimoine folklorique, une fête d’images et de lumières, un flot de souvenirs enfantins ni une plongée dans un décor bucolique. Noël a un sens pour ceux qui ont la foi. Ce n’est pas une tradition à mettre en vitrine pour faire joli et gentil, ce n’est pas une tradition comme celle qu’on invoque ailleurs pour organiser des corridas, des commémorations ou des festivités. Ravaler la religion à une tradition, une apparence, à des santons colorés qui plaisent aux enfants, c’est la galvauder, la ravaler au niveau d’une marchandise ou d’un spectacle, la vider de sa signification spirituelle profonde. C’est l’instrumentaliser à des fins fort éloignées de la croyance et contraires au message rappelé par le pape. C’est une des deux raisons de principe qui pour moi, imprégné depuis mon enfance du mystère de Noël, récuse la récupération de la crèche dans un lieu qui n’est pas un lieu de culte, de recueillement et de piété. La foi se vit en deux lieux : l’un collégial, églises, temples, mosquées ou synagogues, et l’autre intime, celui de sa conscience (ou de son âme comme on veut) et de son intimité. La religion ne vit pas à travers des emblèmes exposés en vitrine, elle ne vit pas dans un sas de mairie, elle y git.
Car une crèche n’a pas sa place dans un HOTEL de VILLE, ni en quelque lieu de service public soumis aux principes de notre République. C'est pour moi l'autre raison de principe. Ce n’est que mon opinion, une opinion de citoyen, modeste élu d’une petite ville et ancien serviteur de l’Etat qui fut en charge de faire respecter la loi et qui le fit pendant 47 ans. Les décisions judiciaires (tribunaux administratifs et cours administratives d’appel) ne sont pas à ce jour concordantes. L’association des maires de France préconise l’abstention ; des maires locaux la réfutent. L’Etat est muet sur le sujet. Force est donc de se prononcer en son âme et conscience. En conscience civique je suis convaincu que, plus encore qu’une faute, c’est un risque grave pour notre Nation. La faute est commise contre la République et ses institutions dont il n’est plus nécessaire de commenter ici le principe essentiel, cette laïcité qui est le ciment subtil qui assemble toutes les pierres idéologiques de la Nation. La Constitution est claire, la loi de 1905 est sacralisée (si l’on peut dire) par un siècle de respect et une adhésion collective.
Mais au-delà des règles, qui peuvent à certains paraître abstraites et raides face au besoin de petits plaisirs d’apparence inoffensive - une crèche, c’est charmant, n’est-ce pas ? - il faut rappeler que ces règles ont un sens, une fonction. Et il faut dire que dans la période menaçante que nous vivons, leur violation crée un risque énorme, celui d’aviver les différences, de creuser les clivages et pire encore d’en susciter là où il n’y en a pas. Plus qu’une faute de transgression de la loi dans un lieu où elle devrait régner, et par celui qui devrait la respecter et la faire respecter, c’est un risque. Les terroristes ne tuent pas pour servir leur foi, qui est le plus souvent récente, rudimentaire et pervertie, mais ils sont armés, motivés par un prétendu califat et un prétendu état islamique, ce sont des nihilistes qui tuent au nom d’un djihad fanatisé et drapés dans des oripeaux islamistes. Prenons garde de leur offrir des cibles. Après les juifs et les militaires, les journalistes et les parisiens paisibles du vendredi soir, la menace vise aujourd’hui nos écoles et elle cible précisément la laïcité et les valeurs qu’elle porte : le magazine Dar al Islam ordonne aux parents musulmans de retirer leurs enfants des écoles françaises et leur demande de tuer les professeurs qui y enseignent la laïcité. Prenons garde: le 9 décembre est le jour de la laïcité dans toutes les écoles de France ... et même de Saint-Cyprien.
Après le massacre du Bataclan, la France a dit : la musique continue. Entretenons la musique de la République : ne baissons pas la garde de la laïcité si nous ne voulons pas faire le jeu de nos ennemis.
Et ces ennemis sont multiples. Ils sont triples. Il y a bien sûr ces fous d’Allah, suicidaires meurtriers : peut-être les moins dangereux parce qu’ils se découvrent dans la mort et que leur barbarie suscite l’horreur, la réprobation unanime et la « Marseillaise ». Puis il y a ceux qui prétendent les combattre mais qui finalement réarment une mauvaise croisade en dévoyant leur foi dans un exhibitionnisme provocateur mais masqué pour certains de nostalgie naïve et nourri pour d’autres d’arrière-pensées. Il y a enfin, l’ennemi le plus redoutable, celui qui sourit, qui se tait, qui s’en fiche, qui laisse faire et qui se satisfait d’un mot, un sésame qui ouvre la caverne des tromperies politiques : « la tradition ». La tradition, dont les maires catalans se gargarisent pour justifier la transgression de la loi sur la laïcité. Foutue tradition qui d’abord n’existe que dans le verbe des élus et qui ne peut du reste justifier que l’addiction incorrigible de la classe politique à ériger leur bon vouloir en tradition et à placer ladite tradition au pinacle de l’institution communale, en lieu et place d’une loi républicaine dont ils ne cultivent que le volet électoral.
La tradition est – traditionnellement - l’alibi local pour contourner la loi. Alors, peut-on espérer du National un sursaut, un message, un rappel à l’ordre qui remettra les fiefs locaux en cohérence ? On attend la parole des autorités morales, de la hiérarchie catholique sur les crèches municipales, des vrais musulmans sur le détournement sauvage du Coran et des intellectuels de tous bords, peut-être même des notables francs-maçons qui cogèrent ce département. On attend du ministre des cultes et de l’intérieur le rappel à la loi. Et s’il y a lieu on suggère la consultation du Conseil d’Etat, pour trancher la cacophonie des tribunaux. On a demandé son avis sur le voile islamique, pourquoi pas sur les crèches municipales ?
Le pape François a donné sa catéchèse de Noël, à l’Etat de rappeler la sienne sur la Nation. Nativité et Nation ont la même étymologie, latine, de « natus », de naissance, donc de vie. Mais leur maison et leur famille - c’est la différence majeure avec la OUMMA des musulmans - ne sont pas les mêmes : elles peuvent être proches, avoir une histoire partagée et des traditions communes, elles ont chacune leurs valeurs propres, leur lieu de culte et d’exercice, et leur cérémonial spécifique. La religion et l’élection se célèbrent toutes deux le dimanche mais que diable ! Ne mélangeons pas les urnes et les encensoirs.
Jean JOUANDET
____________________________________________
P.S : voici la justification du maire de Saint-Cyprien devant BFM/TV
n'est-ce pas surprenant?
- Il invoque les traditions gréco-romaines pour la commémoration de la naissance du Christ: référence historique qui témoigne de la qualité culturelle qui inspire les décisions communales
- il explique que sa décision était prise "bien avant les attentats de Paris" - mais ce fut après Charlie ! et surtout à l'instar du maire de Béziers - ce qui sous-entend qu'après les attentats il aurait eu le bon sens de ne pas la prendre mais que malgré tout il n'a pas eu la sagesse de changer de décision ou que d'autres impératifs s'y opposaient