18 janvier 2016
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Madame la Présidente,
M(me) le(a) maire de … m'a fait part des problèmes qu'il (elle) rencontre dans la gestion de sa commune du fait de l'activité juridique de l'un(e) de ses ancien(ne)s co-listièr(e)s, M(me) X.
En effet, M(me) X a saisi votre juridiction à (N) reprises déjà depuis le mois de … 20.., la dernière datant du ….
J'ai moi même reçu M(me) X afin de modérer son action, mais il apparaît qu'il (elle) tente d'instrumentaliser les services de l'État dans le but de perturber M(me) Z , maire de … , à qui il (elle) reproche son éviction du poste d'adjoint,
S'il ne me revient pas de m'immiscer dans les affaires d'une commune, j'attire cependant votre attention sur une répétition des saisines de votre tribunal à un point tel que je m'interroge sur son éventuel caractère abusif, sans mentionner les conséquences que ces actions peuvent avoir sur le fonctionnement d'un organe démocratiquement élu.
Je vous prie d'agréer, Madame la Présidente, l'expression de ....
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Le texte ci-dessus est le courrier adressé par un Préfet de la République à une Présidente de Tribunal administratif. Les identités et adresses ont été effacées pour éviter toute confusion avec une situation locale. Au demeurant, le 3ème alinéa de cette lettre évoquant une rencontre en préfecture lève toute équivoque: je ne suis pas le M. X visé par cette dénonciation indigne car je n'ai depuis 6 ans jamais été reçu en préfecture ... mais tout est possible en notre Vème République.
Ce n'est pas l'état d'urgence qui marginalise la Justice, c'est la dégénérescence de l'Etat qui attente à son indépendance.
En tant qu'ancien Préfet, et à l'époque "commissaire de la République", je suis plus qu'indigné, je suis affligé qu'un descendant de Jean Moulin commette de tels méfaits. Car c'est un gros méfait professionnel, c'est une faute personnelle, que de prétendre ne pas s'immiscer dans les affaires d'une commune et en même temps dénoncer à un juge administratif le comportement d'un élu qui exerce son droit de critique et de contestation. A son devoir de contrôle de légalité, ce préfet si peu respectueux de l'éthique républicaine substitue une connivence politique avec un élu local au seul motif que celui-ci a été élu et non pas pour la seule raison admissible que sa gestion serait d'une qualité et d'une régularité incontestables. La République est malade de sa décentralisation.
J'ai dans mon bouquin sur "le mairisme, ou la démocratie locale en trompe-l'oeil" repris la formule impitoyable du sénateur Mézard dans son rapport sur le contrôle de légalité où il qualifie celui des préfets de "passoire". Cette lettre, à afficher au mur des cons du ministère de l'Intérieur, montre que la passoire, qui déjà dans les Pyrénées-Orientales ne retient rien, plonge de plus en plus, ici ou là, dans le bouillon.
J.J.
Published by pugnace