Une « Vierge à l’Enfant » en résidence à Villerase. |
L'église de St Féliu d’Amont abrite, entre autres œuvres intéressantes, une statue de Notre Dame de la Salvetat du XIVe siècle en marbre blanc, statue polychrome de 55cm. Il s'agit d'une Vierge debout et couronnée, tenant l'enfant Jésus sur son bras gauche et un livre ouvert dans la main droite. Cette Madone a été rénovée assez récemment et c’est une copie de cette Vierge à l’Enfant qui sera prêtée par convention à la commune de Saint-Cyprien, si du moins le Conseil Municipal approuve cette convention de mise à disposition.
La délibération proposée au Conseil Municipal
puisqu'elle présente la Vierge à l’Enfant comme un mobilier liturgique susceptible de « meubler » la chapelle « lorsque des visites y sont organisées »... suggérant ainsi que la statue, portée sans doute en procession par les corps communaux constitués, ne sera placée à l’intérieur de la chapelle que lors de visites programmées. Quant à l’expression : « la commune souhaite », notons qu'au regard des politiques démagogiques et provocatrices suivies localement en la matière, elle préjuge d’une réflexion qui n’a pas eu lieu au bénéfice d’une décision que chacun devine pavée de… bonnes intentions.
Tout cela pour dire qu’on eût préféré, pour lever tout malentendu et prendre un peu de hauteur, que s’expliquent en Conseil Municipal et s’assument sereinement les 4 objectifs que cette résolution peut servir :
- Sur le plan patrimonial: afficher, par l’accueil de cette représentation mariale, l’origine religieuse de Saint Etienne de Villerase. Cette chapelle romane, unique vestige d’un village disparu, appartient au patrimoine cyprianais et à ce titre doit pouvoir, en effet, être préservée dans sa structure et valorisée dans sa vocation premières.
- Sur le plan religieux, les chrétiens aiment ces statues où se découvrent toutes les nuances de la tendresse maternelle de Marie. Sur un autel, elles sont plus proches des fidèles que sur les murs extérieurs, et on les prie plus volontiers. Ces Vierges à l’Enfant deviennent, dans l’église, des objets de dévotion. Elles attirent les fidèles qui trouvent dans ces représentations matière à s’identifier : l’Enfant, bien que présenté d’origine divine, assume pleinement son humanité dans les bras de sa Mère.
- Sur le plan artistique: la Vierge à l’enfant est un thème récurrent en peinture et en sculpture religieuses. Vierges en majesté ou Vierges de tendresse, Reines-Mères assises, graves et solennelles, offrant leur fils à l’Adoration ou Vierges debout, plus maternelles et humaines, tenant leur Fils dans leurs bras, les représentations de la Vierge sont multiples: ce type d’évocation symbolique permet en effet aux artistes de donner libre cours à leur imagination et à leur sensibilité. C’est le cas avec cette statue de Notre Dame de la Salvetat : alors que les vierges catalanes ont habituellement une attitude grave et un visage sévère, cette Vierge portant l'enfant Jésus est gracieuse et souriante. Quant au visage de l'enfant Jésus, il est d'une « grâce et d'un charme angéliques ». C'est probablement pourquoi le père Camos, historien espagnol du XVIIIe siècle, trouvait cette statue de l’église de Saint-Feliu d’Amont « idéalement belle ».
- Sur le plan de l’authenticité, Villerase n’abritera, certes, qu’une copie de cette statue ; mais, comme à l’accoutumée, une copie d’une fidélité qui force l’admiration. Elle est l’œuvre du CCRP 66. Créé en 1998 par le Conseil Général, ce Centre de Conservation et de Restauration du Patrimoine a pour mission d'assurer la connaissance, la sauvegarde et la valorisation des biens culturels du département et du patrimoine catalan. Les motifs de satisfaction sont suffisamment rares pour que nous ne saisissions pas l’occasion d’applaudir à ces restaurations de haute qualité en félicitant les artisans-artistes qui s’y emploient.
A ces différents titres, nous approuvons donc cette convention de mise à disposition. En osant espérer que les « intentions de la commune » soient toutes à la hauteur du Spirituel et du Beau, cette démarche peut trouver une légitimité qui, bien comprise, ne saurait gêner ni les laïques ombrageux ni les croyants sourcilleux. Culture et foi peuvent faire bon ménage! Chacun y trouvera son compte, curieux, fidèles ou esthètes, par fierté patrimoniale, par admiration artistique ou par fidélité religieuse. Les différentes motivations, qui s’entremêlent et se renforcent parfois mutuellement, créent toujours des passerelles entre les Hommes, quelles que soient leurs croyances ou leurs options philosophiques.
Nous accompagnerons cependant ce vote d’un conseil de bon sens: celui de voir la crèche, fin 2016, trouver une bien meilleure expression artistique et une bien meilleure portée spirituelle au sein de cette chapelle plutôt que dans le hall d’une mairie républicaine. La Vierge s’y sentira moins seule et l’Enfant à sa place. Quant à Villerase, il y a fort à parier qu’elle ne désemplira pas.
N’oublions pas cependant que la mise en scène de symboles ne garantit pas la pureté des intentions, et cela quelles que soient leur valeur artistique ou leur résonnance religieuse…
J-C. M.
_________________________________________________
PSITTACUS s'en réjouit :
" La Sainte Vierge c'est comme la Justice : il faut la voir de temps en temps pour continuer à y croire"