La soirée promettait d’être tendue et elle le fut. Au-delà même de tout pronostic. Il faut dire qu’après les flamboyances et les fanfaronnades des différentes campagnes électorales, après les paillettes de l’été, après les vœux dispendieux à la population et autres largesses régaliennes (…), il n’est pas aisé d’annoncer en Conseil Municipal la « mise sous contrôle judiciaire » de la commune !
C’est l’expression qu’employa, lors de la présentation des orientations budgétaires 2016, le maire de Saint-Cyprien, T. Del Poso, pour juger de l’état de « sa » ville après plus de… 6 années de mandat. « C’est une image », s’empressa-t-il d’ajouter, face à « son » conseil municipal et à une trentaine de spectateurs médusés. « Nous étions en liquidation à mon arrivée !» s’empressa-t-il de relativiser… rappelant, toujours et encore, la dette laissée par son prédécesseur et s’octroyant, encore une fois indûment, le mérite de l’avoir fait baisser (!).
S’ensuivit une longue litanie de plaintes sur la dureté des temps : la conjoncture internationale, l’état de la France, la diminution des dotations de l’Etat et le poids des remboursements d’emprunts, tout cela expliquait les mauvais résultats. S’ajoutait à ces calamités un harcèlement contentieux qui, chiffres faramineux à l’appui, paralysait l’action de redressement engagée par la commune ! (malgré un roulement de questions pressantes, il ne fut pas possible de connaître l’identité du « contribuable » incriminé).
Tout était donc dit et orchestré, avec bouc émissaire en prime, pour convaincre de la probabilité d’un scénario catastrophe, imputable à des évènements « indépendants de notre volonté », malgré « des efforts et des réussites remarquables dans la gestion courante de la commune». Ainsi pouvait-on sans rire justifier l’annonce principale de la soirée : une hausse de 7 % sur la fiscalité directe locale, «car nous ne pouvons plus vivre comme avant » asséna le Ponce-Pilate accusateur qui ajouta, vindicatif et provocateur, « ce sera d’ailleurs insuffisant car nous aurons besoin de recourir aussi à l’emprunt »! Responsable mais pas coupable. Aucune trace d’autocritique. Qu’on se le dise…. C’est sur ces perspectives riantes que se termina la présentation du DOB ! Restait alors à en « débattre ».
Jean Jouandet ouvrit le ban … dans un silence de cathédrale. Il contesta point par point les propos avancés dans le « pauvre document »; implacable, il passa en revue l’argumentaire du maire, les erreurs et les arrangements trompeurs des chiffres ; il rappela les avertissements et les alertes qu’il avait adressés dans les différents conseils municipaux et remit le maire dans ses responsabilités : le désendettement n’était dû qu’à l’effet mécanique des remboursements d’emprunts (« le conseil municipal des jeunes aurait fait aussi bien »); le patrimoine de la commune avait fondu, toujours à perte d’ailleurs, pour assurer un fonctionnement a minima; le pacte de stabilité fiscale n’avait servi qu’à s’assurer des électeurs à présent trahis. Pourtant une autre politique était possible et des gisements d’économie existaient qu’un véritable débat sur les orientations pourrait au moins discuter ! Proposition sans écho.
Jean Jouandet se fit alors plus pressant et posa une série de questions … restées sans réponse : le maire venait de se lever et, prétextant un vague engagement, quitta la séance laissant ses troupes orphelines et apparemment troublées par la fuite du chef. Lequel alla se réfugier en son bureau paisible, à l’étage au-dessus de ces tourments.
Les observateurs de la vie municipale cyprianaise ne s’en étonneront pas, habitués qu’ils sont aux provocations de M. Del Poso, plus enclin à attaquer les hommes qu’à contrer leurs arguments ou à répondre à leurs critiques. Mis au pied du mur, il abandonna élégamment ses troupes et prit la poudre d’escampette, se retirant du « jeu démocratique » sur lequel il n’avait pas de prise. Au pied du mur, dit-on, on connait le maçon…
A partir de là, les évènements ne pouvaient que s’envenimer. Différentes indignations s’exprimèrent de la part d’une minorité qui demandait des comptes et des réponses. Qui s’emportait également sur le départ du maire. Il faut dire que le conseil municipal chargé de débattre des orientations budgétaires est le conseil phare de l’année et marque le souci de transparence de la collectivité sur ses choix d’investissement et de gestion. La tenue de ce débat constitue une formalité « substantielle », ce qui a pour conséquence d’entacher d’illégalité la délibération sur le budget qui n'aurait pas été précédée d'un tel débat. L’absence du maire dans ces conditions est donc inévitablement perçue comme méprisante pour ses administrés et scandaleuse pour l’exercice démocratique de son mandat d’élu.
Les majoritaires de l’assemblée, toujours muets et en situation humiliante car peu au fait semble-t-il des problèmes de la commune, étaient incapables de répondre aux questions. Ils se réfugièrent derrière l’adjoint à la sécurité chargé, faute de mieux, de la présidence de ce conseil sans maire ni 1ère adjointe. Le nouveau Président de séance fut à son habitude amusant et peu crédible dans son rôle de gesticulateur ombrageux. Il fut encore plus transparent et cocasse dans celui de responsable des débats, qu’il n’eut de cesse de tarir en refusant toute réponse aux questions qui lui étaient posées avec grande insistance et … pugnacité. Aucun mérite à ce positionnement d’entêté-résistant : « quand on sait pas, on sait pas. »
La messe était donc dite et la démonstration faite : il ne se pourrait rien tirer des rescapés orphelins, ni réponse aux questions, ni manifestations de bon sens…Face à ce conseil-croupion, la place fut alors libérée au fil des énervements. Le ronron bananier pouvait sans doute alors reprendre, dans un lâche soulagement général, avec la honte en plus … peut-être.
Jean-Claude MONTES