" - La question est simple : les impôts servent à améliorer la vie du pays. On est d'accord ?
- On est d'accord.
- Donc, plus un individu paie d'impôts, plus la qualité de vie du pays s'améliore ?
- Alors, moins il reste d'argent à chacun à la fin du mois - à cause des impôts - plus le pays en a, lui. A la limite : quand quelqu'un achète du pain et du beurre et qu'il les mange, objectivement, il vole ce pain et ce beurre au pays.
- Ainsi, plus la vie de l'habitant se dégrade, plus celle du pays s'améliore.
- Exact.
- Que vive le pays ! s'exclama le Premier Assesseur.
- Mais sommes-nous au service du citoyen à titre individuel ou du pays comme une totalité ?
- Du pays comme une totalité, Chef ! crièrent à l'unisson les Assesseurs.
- Et le pays appartient à tous ! insista le Premier Assesseur.
- Conclusion, si notre objectif patriotique est d'améliorer la qualité de vie du pays, il nous faut... - Dégrader la qualité de vie du citoyen !
- Et voilà ! "
ô combien expressif préfigure l'édito du prochain magazine municipal qui va nous narrer le budget, avec force fromages appétissants sur les plaisirs, les avantages et les agréments que vaudra aux braves contribuables leur aimable écot supplémentaire en matière de taxe d'habitation, d'impôt foncier et autres joujoux financiers de nos édiles.
http://www.pugnace.fr/2016/04/les-videos-de-la-seance-du-conseil-municipal-du-29-mars-a-l-ordre-du-jour-le-), budgétaire locale. Il faut le rappeler pour ceux qui n'ont pas eu la chance d'y assister (mais ils peuvent en visionner l'esentiel dans les documents publiés précédemment
la dramaturgie budgétaire mise en scène par Del Poso lui-même s'est déroulée en trois temps forts:
acte 1 : la commémoration narcissique.
Casting réduit au maître de cérémonie et monologue connu: j'ai réussi à réduire la dette d’un peu moins que prévu, j'ai fait des économies tout en augmentant les charges de 26 % en 5 ans, j'ai organisé des fêtes gratuites mais qui coûtent, j'ai pu ne pas construire le gymnase que j’avais promis mais j’ai innové en créant un kiosque parisien ambulant et un boulodrome à rallonge (de temps et d'argent), j'ai réussi à dépenser le prix d'Al Fourty sans me rendre compte et j'ai remis l'église au cœur du village
... que demande le peuple? J'allais oublier : j'ai réussi à me faire élire conseiller départemental avec ma nouvelle amie Marie-Pierre ... on va pouvoir faire du bon travail ensemble pour augmenter les impôts locaux!
acte 2 : la conjuration des malheurs et des méchants
Casting élargi à l'Etat, le temps, les charançons, les mauvaises herbes et les racines des arbres, les terroristes du lieu, les trous dans les trottoirs, le sable qui s’envole comme des euros, la malchance et la fatalité
et déploration apitoyante: je ne peux plus, on m'étouffe, on m'étrangle, on me ligote mais je tiens bon, avec votre aide on survivra quoi qu'il en coûte
acte 3: la pénitence collective
casting étendu à tout le peuple appelé à la rescousse et exhortation pressante : payez, mes frères, payez pour moi, l'avenir vous le rendra, payez pour vivre ici, payez pour vous y arrêter, payez puisque vous m'avez élu et payez pour me réélire
... avec en ultime gratification du maître sa déclaration d'amour inné et indéfectible pour ce village, ce village où il a poussé son premier cri, quelque chose sans doute comme "aimez-moi" ... "aimez-moi au moins tous les 6 ans" ... "je resterai toujours proche de votre bulletin de vote même si je me transporte déjà dans le vaste horizon politique auquel vos impôts me propulsent".
Puis avec grandeur et émotion le maître se retira, les figurants tétanisés signèrent le programme et les spectateurs sous le coup du verbe princier allèrent se coucher.
Titre de la pièce : "Nuit couché à Saint-Cyprien"