Vue d'Utopie la compétition électorale est une confrontation de femmes et d'hommes porteurs d'un projet politique et l'égalité des compétiteurs, donc leurs chances de succès, sont garanties par le contrôle vétilleux (et la limitation théorique) des dépenses de campagne.
La réalité électorale tempère sérieusement cette vision idyllique de la démocratie. Les règles les plus strictes et les contrôles les plus pointilleux ne modifieront pas le cours des choses, c'est-à-dire l'inégalité des moyens dont dispose chaque candidat pour vanter ses qualités, ses titres et mérites et pour multiplier en version polychrome les promesses alléchantes et les illusions trompeuses.
Outre les avantages conférés au sortant par la diversité des instruments de valorisation qu'il peut déployer en toutes circonstances bien avant la campagne électorale, outre les appuis, cautions, soutiens et autres recommandations émanant (à charge de réciprocité) des collègues, confrères ou frères des divers réseaux partisans, outre la main d'oeuvre politique locale et les obligés institutionnels taillables et corvéables à merci, la simple comparaison des comptes de campagne révèle cette disparité des moyens de communication qui fausse impitoyablement la compétition en faussant l'information des électeurs.
Il s'agit dans la présentation qui suit de l'élection départementale de mars 2015. Les chiffres officiels (donc ne portant que sur les dépenses normalement autorisées et sur la période contrôlée) sont effarants. Les dépenses déclarées ont été de:
- 16 000 euros pour le tandem mené par Del Poso
- 9 478 euros pour celui du Front National
- 1 200 euros pour le binome Jouandet-Marche
Rien d'étonnant à ce que les résultats du scrutin soient homothétiques à ces moyens financiers. Le graphique qui suit illustre la très forte corrélation VOIX recueillies/ Euros dépensés:
Il est évident, nul n'en doutait, que le volume de la "propagande" électorale impacte fortement "l'opinion" des électeurs ... mais à ce point c'est ahurissant.
Mais ce qui ressort aussi de ces chiffres c'est que la force de conviction de cette propagande n'est pas proportionnelle à son intensité et au volume des dépenses. Le rapport entre le nombre de voix recueillies par chaque candidat et le coût (déclaré) de sa campagne est variable: il est de 0,13 pour Thierry del Poso, de 0,19 pour le FN et de 0,46 pour le binôme managé par Jean Jouandet. Autant dire que le ralliement aux candidats gagnant et placé coûte, pour chaque électeur rallié, beaucoup plus cher que le vote pour le plus modeste outsider.
Ou pour le dire de façon plus positive ce ratio ci-dessous, qu'on dira de "profitabilité électorale", souligne que la compétition dite démocratique se joue entre la séduction quasiment spontanée des candidats économes et celle scénarisée à grands frais des professionnels boostés par une machinerie partisane. Mais évidemment en notre démocratie, qui aurait honte d'être suspectée d'un quelconque penchant ploutocratique ou de la moindre dépendance aux oligarchies partisanes, c'est moins souvent le mieux disant que le mieux nanti qui gagne.