« A quoi bon s’acharner à ajouter des mots plus forts aux maux simplement locaux que la prolifération des gros scandales politico-financiers nationaux risque de noyer dans le flot des indignations médiatiques ? A quoi bon redire ou réécrire tout ce que chacun sait et dont la divulgation ne change pas grand-chose au quotidien ?
La sagesse africaine enseigne, m’avait-on pourtant prévenu, que crier dans le désert ne fait pas tomber les étoiles. Je n’ai pas la vocation de harangueur ni de trublion et je nourrissais, en ma retraite, aucun projet politique personnel. Pourtant aspiré malgré moi dans le microcosme municipal, j’en ai durant cinq ans déploré, dénoncé et combattu la mauvaise gestion. Il fallait bien qu’une voix, venue d’ailleurs, crie dans le désert démocratique où l’indifférence collective laissait le nouvel élu se formater tranquillement un pouvoir personnel aussi autocratique qu’ « inaptocratique ». Avec quelques amis, j’ai milité au sein et autour du conseil municipal, en espérant instaurer une gouvernance nouvelle dans cette commune du midi sinistrée par la corruption et qui persévérait dans l’erreur.
J’ai crié dans le désert, sans écho officiel : les étoiles sont restées inertes. Aucun soutien des autorités de l’Etat, ni des organisations politiques n’a relayé ma démarche qui, il est vrai, n’avait pour les intéresser qu’un intérêt public, celui de restaurer la démocratie locale et une saine gestion. »
Ce texte est extrait du prologue de « Démocrature », un livre qui poursuit l’analyse présentée dans « Le Mairisme ou la démocratie locale en trompe l’œil ».
Son auteur, mon mari Jean Jouandet, n’a pas eu le temps de l’achever. La violence dont il a été victime a conduit à son décès prématuré ; ces faits, plus que tous les maux décrits, révèlent la perversion d’un « mairisme » exacerbé … dans un silence inadmissible des acteurs publics.
Ces vérités seront dites. L’ouvrage « Démocrature » sera publié en co écriture. Je parachève par mon témoignage l’analyse de son auteur posthume qui était en-deçà de certaines réalités lorsqu’il écrivait : « (…) il serait caricatural, dans notre paisible environnement du clocher et de l’hôtel de ville, de voir dans le mairisme le plus autoritaire et le plus contraignant un modèle réduit des démocratures étatiques, violentes et idéologiques, qui portent atteinte aux droits de l’homme et aux libertés publiques. La question se pose ici au niveau inférieur du pouvoir, pouvoir local et dépourvu des moyens régaliens susceptibles de verrouiller son autoritarisme par la violence physique. (…) l’éventuelle démocrature de proximité reste désarmée, Dieu merci, contre la liberté (physique) des citoyens (…) »
Pourtant, de fait, la violence a porté atteinte à l’intégrité physique de Jean Jouandet et la fait taire à jamais.
Mais Jean Jouandet fut, il est encore. Il est temps ce jour de répondre là où la justice semble vouloir se taire.
Isabelle Jouandet