Monsieur le Procureur,
Cette lettre porte des mots simples pour vous dire mon indignation quant à votre décision de classement d’une série de plaintes déposées par mon mari, aujourd’hui décédé. Son seul souci, je tiens à le rappeler, tendait au rétablissement de la morale publique et à la préservation des finances publiques d'une commune sinistrée.
Ce jour, 17/10/2017, j’ai été convoquée à votre demande par les services de gendarmerie afin de me signifier votre décision de classement sans suite pour insuffisance de preuves des plaintes concernant la scandaleuse affaire de la vente du camping Al Fourty.
Insuffisance de preuves ! Mais que faut-il donc Monsieur le Procureur ?
Ma modeste expérience de Commandant de la police nationale durant un peu plus de trente ans est sérieusement ébranlée à l’entente de votre motif de classement. Je serais curieuse de savoir ce que peut en penser le Président de votre tribunal qui motivait la condamnation, sévère, de l’un des mis en cause dans le procès « BOUILLE » par le fait que cet homme aurait du réagir au motif qu’il avait fait l’école d’inspecteur de la police nationale et avait exercé cette profession durant une année … il y a plus de 40 ans !
Ce rappel pour vous dire que j’ai entendu la leçon et donc retenu aussi la nécessité de réagir en tant qu’ancien officier de police judiciaire.
Très succinctement, et pour en revenir à l’affaire Al Fourty.
En premier lieu, la plainte sur la vente même du camping :
Une délibération de vente d'un terrain nu prise en conseil municipal et un acte de vente notarié qui stipule expressément la « cession d’une simple assiette foncière » « vide de tout occupant » sur déclaration du vendeur, le Maire, et de l’acquéreur, SA, alors qu’il s’agit en réalité d’un camping en activité avec plus de 510 mobil homes – et donc clients – et toutes infrastructures y afférent ( bâti, piscine, réseaux eau, électricité ... ) Ces éléments documentés « officiels » (Délibération et acte notarié) ne constituent donc pas à vos yeux la preuve d’une tromperie aux conséquences financières évidentes ?
Comment ne pas savoir que des éléments de fonds de commerce (le camping) ont une valeur marchande et qu’une vente telle qu’ici opérée ne prend en compte que la valeur vénale d’un terrain nu ?
Doit-on penser qu’une délibération prise en conseil municipal et qu’un acte notarié peuvent être des plus farfelus dans l’énoncé de la nature et des conditions mêmes de la vente ?
Je m’arrête sur cette partie du dossier et évoque tout juste la cession « sous le manteau » de la licence IV de débit de boisson dont vous avez là aussi eu le document de cession signé du Maire en toute illégalité. Que faut-il de plus comme preuve ?
En second lieu sur l’escroquerie en jugement, plainte déposée entre vos mains, par suite du non lieu rendu par la Chambre de l’Instruction de Montpellier fort opportunément 6 mois après le suicide du juge perpignanais en charge du dossier et 3 mois avant les élections municipales.
La lecture de ce jugement fait apparaître que les deux principaux motifs retenus pour prononcer ce non lieu sont :
1 / la déclaration du Maire selon laquelle la « ristourne « d’environ 500 000 euros faite à l’acquéreur en compensation de loyers perçus par l’EPIC OT a été opérée "après avis conforme de la Préfecture et du Trésor Public." Surprenant car en violation de toutes les règles de comptabilité publique … en réalité, il s’agit d’une fausse allégation du Maire de Saint-Cyprien. Mon mari a fait remettre entre vos mains lors de son dépôt de plainte en escroquerie au jugement, un courrier du Préfet des Pyrénées Orientales et un courrier du Directeur Départemental des Finances Publiques indiquant expressément n’avoir jamais donné un tel avis ! Que faut-il de plus, M. le Procureur, pour constater ce mensonge aux juges ?
2/ l'affirmation du Maire selon laquelle le juge administratif aurait rejeté le recours en annulation de la délibération de vente du camping. Mon mari a fait remettre entre vos mains le jugement d’Appel de la Cour Administrative d’Appel de Marseille qui prononce l’annulation totale de la délibération de vente incriminée pointant « le caractère erroné sur le calcul du prix consenti à l’acquéreur ». Que faut-il de plus, M. le Procureur pour preuve que ce jugement de Cour d’Appel ?
En troisième lieu, sur le recel en escroquerie en jugement, plainte déposée entre vos mains, liée à la plainte visée ci-dessus, qui contrecarrait la citation directe de mon mari faite devant le tribunal correctionnel par le Maire de Saint-Cyprien pour « dénonciation calomnieuse » suite au non lieu évoqué ci-avant. Nous atteignons là des sommets d’imbroglio judiciaire. Le Maire a été débouté de sa citation directe ; la procédure était de forme parfaitement inadaptée à l’importance de ce dossier mais nous ne pouvons que regretter l’absence d’un jugement de fond.
Pour conclure, M. le Procureur, je vous demande de bien vouloir excuser le choix de cette lettre ouverte mais comprenez que le retranchement derrière les murs du Palais de magistrat garant des lois ne me laisse pas d’autre alternative pour vous dire l’incohérence de cette décision.
J’ajoute que j'ai été convoquée le 17 octobre 2017 pour me donner connaissance, soit après 11 mois, de votre décision de classement de ces plaintes en cascade. Décision prise le 26 NOVEMBRE 2016, soit 12 jours après le décès de mon mari ! Je ne commenterai pas plus ici ce que ce choix de calendrier peut laisser supposer.
Bien entendu, le dossier Al Fourty est loin d’être clos, des « faits nouveaux » seront portés à la connaissance de la Justice.
Veuillez agréer, Monsieur le Procureur, l’expression de ma considération distinguée.
Isabelle JOUANDET