Développer la ville ?
Oui !
Oui mais avec une seule ambition : l’intérêt des populations actuelles et futures !
Péremptoire (lors du débat d’orientation budgétaire) le chef du village a parlé : « une ville qui ne se développe pas est une ville qui meurt. » Voire …
Nous pourrions lui rétorquer qu’une ville peut mourir ou du moins « perdre son âme »… de s’être mal développée ! Mais tout cela resterait au niveau des slogans tranchants et autres affirmations faciles. Voyons donc le problème plus sérieusement. Qu’entend-on par « développement » et à quoi voit-on qu’une ville se développe ?
Il peut s’agir du nombre de ses habitants qui croît, des infrastructures, bâtiments et logements privés ou publics qui se multiplient, des services aux habitants qui se complètent ou se diversifient, des artisans, commerçants et entreprises qui s’y installent … Pour mesurer ce « développement » et cette attractivité, les critères sont essentiellement comptables: nombre d’habitants, parc de logements, taxes foncières… Ajoutons-y, sur le plan des infrastructures, un terrain de boules et un gymnase et les habitants, à défaut d’avoir été consultés, seront supposés pénétrés du bien-fondé et de l’urgence( !) de ces investissements et oublieront la vente du patrimoine à chiffres et votes forcés.
Demain, qui ne nous appartient pas, sera un autre jour…
Hélas !
Reconnaissons que ce développement-là est à la portée de n’importe quelle équipe municipale: vendons nos biens, amusons et invitons le département à grand renfort d’avions, de cocktails et de manifestations saisonnières tapageuses, remuons le tout et ce serait bien le diable s’il n’en sortait pas quelques juteuses opérations immobilières à réaliser. Elles-mêmes bien sûr génératrices d’infrastructures nouvelles à prévoir. Pour ce faire, quelques aliénations supplémentaires de biens communaux – s’il en reste - et le tour est joué, du moins jusqu’au prochain coup… Cette politique est d’évidence une politique du « bling-bling » qui détourne l’attention de la réalité tandis que le prix de cette prospérité factice sera payé par nos enfants.
N’importe quelle équipe municipale donc est capable de cela. Il n’y a là aucune réelle ambition pour Saint-Cyprien et ses habitants, mais une sorte de fuite en avant vers un développement quantitatif désastreux. Il est en effet manifeste que l’augmentation du nombre de logements ou d’habitants dans la ville n’est pas une fin en soi et que ce critère ne saurait déterminer à lui seul un développement harmonieux. Nous devons impérativement quitter le monde des apparences et revenir à plus de sérieux, de mesure et de réalisme en nous calant sur les fondamentaux. Une ville, et plus largement un territoire, c’est avant tout un ensemble d’hommes, de femmes, d’enfants qui tentent d’organiser leur vie dans un espace qu’ils ont en principe choisi et qui, par contrat renouvelable, est démocratiquement aménagé et géré par leurs représentants.
Quoi d’étonnant alors qu’émergent avec force dans les souhaits des populations des notions de qualité de vie telles que le bien-vivre, le bien-être, le plaisir du vivre-ensemble ? Difficile à mesurer, ce ressenti repose sur le degré de satisfaction de toute une série de besoins : la ville est-elle propre ? La sécurité des biens et des personnes y est-elle convenablement assurée ? Est-elle bien desservie au plan des transports en commun, y circule-t-on et s’y gare-t-on commodément ? Les espaces publics sont-ils accueillants ? Les activités commerciales sont-elles correctement réparties et disponibles y compris hors saison ? La vie associative y est-elle encouragée et est-elle partie prenante de la politique de développement de la ville ? La population est-elle suffisamment informée des choix effectués et des enjeux de la gestion municipale?
Mais aussi : peut-on y élever et y éduquer correctement les enfants ? Les jeunes couples y dénichent-ils de quoi se loger ? Les anciens y trouvent-ils l’accueil, l’écoute et le respect qui leur sont dus ? Le travail y est-il accessible et peut-on compter sur des mécanismes de solidarité en cas de coup dur ?
Mais encore : les édiles sont-ils eux-mêmes au-dessus de tout soupçon, la morale publique est-elle au nombre de leurs valeurs et garantit-elle leur intégrité et l’égalité des citoyens dans la cité ? …
Voilà une véritable ambition pour Saint-Cyprien : exiger que la Politique de la Ville joue un rôle majeur pour renforcer le lien entre développement urbain et développement social du territoire ; favoriser l’appropriation des projets par les habitants ; renforcer le sentiment d’appartenance et renouer ainsi avec la convivialité et la fierté disparues.
Malheureusement, ces différents chantiers sont, sinon ignorés de l’équipe municipale majoritaire, du moins relégués en arrière-plan d’une politique de ville jamais déclinée explicitement ! Les enjeux sont pourtant d’importance ! Ils conditionnent le développement territorial en stimulant les projets qui respectent l'identité, la qualité et l'usage de la ville. Bien gérés, ils assurent un avenir durable aux habitants et renforcent l'attractivité touristique et économique sur le territoire. Mais pour atteindre cet objectif, il faut des convictions, de la détermination et de l’imagination. Il faut aussi et surtout du bon sens et subordonner le quantitatif au qualitatif.
Voilà déjà les bases d’une démarche telle que nous la souhaitons pour Saint-Cyprien et telle qu’elle apparaît dans le « Pacte pour notre ville » adopté à l’unanimité en assemblée générale de Cap Espoir Pour Ma Ville.
Nous sommes là très loin de la politique actuelle du coup par coup et du mauvais coup.
Loin d’une politique qui mise essentiellement sur l’évènementiel et les paillettes pour attirer quelques milliers de touristes supplémentaires.
Loin d’une politique qui, au sens propre et au sens figuré, éteint les lumières de la ville à la fin de la représentation !
Alors, développer la ville ? Oui , bien sûr.
Mais en toute conscience des enjeux et avec une seule ambition : respecter les intérêts des populations actuelles et ne pas insulter l’avenir !
Jean-Claude MONTES
administrateur de Cap Espoir Pour Ma Ville