Quand un rapport au conseil municipal indique en objet « précisions » il faut se méfier. En général les "précisions" vont modifier en douce, mais gravement, une décision antérieure, voire y glisser une irrégularité. Le maire a déjà fait le coup avec la vente du terrain de la cave coopérative. Pour le conseil du 20 s’agissant du remboursement des frais de mission des élus, il est étrange que ce sujet soit traité l'avant-dernière année de mandat.
Bien sûr le maire a écrit qu'il le fait à la demande de la perception : cela fait sérieux, ça permet aux élus d’approuver n’importe quoi l’esprit encore plus distrait que de coutume. Pour d'autres esprits plus méfiants, dont nous sommes, c’est un signal d’alerte: si le percepteur demande une délibération, c’est qu’elle faisait défaut donc que les remboursements précédents ont été faits de façon anormale ou pire encore que les élus veulent maintenant contourner la règle.
Bien sûr le maire a dit en séance que c'est la faute à l'opposante Mme Guiraud dont la facture d'hôtel (lors de son stage de formation à Paris) excédait le forfait de remboursement. Mauvaise raison ou plutôt prétexte à une minable mise en cause personnelle: que n'a-t-il fait son travail normal c'est-à-dire faire mandater le remboursement dû au plafond du forfait en expliquant à l'intéressée la règle applicable. On ne fera croire à personne que c'est pour la satisfaire qu'il a fait ce rapport. On y croit d'autant moins que ce rapport est tissé de mensonges.
- 1er gros mensonge dans la 2 ème phrase du rapport n° 11 qui écrit : la délibération du 13 octobre 2009 a décidé que « le remboursement des élus municipaux fasse l’objet d’un remboursement « aux frais réels » ou forfaitairement ». C’est faux: elle a décidé « d’appliquer aux conseillers municipaux les dispositions des textes susvisés, à savoir : les frais de séjour (hébergement et restauration) seront remboursés forfaitairement dans la limite du montant des indemnités journalières allouées aux fonctionnaires de l’Etat ». Le motif invoqué pour demander une "précision" est mensonger : le seul régime applicable, en vertu de la délibération de 2009, est bien celui prévu par les textes, le forfait calqué sur celui des fonctionnaires. Il n’y a aucune ambiguïté à éclaircir.
- 2 ème inexactitude à prétendre que « rien ne s’oppose à ce que les frais de séjour fassent l’objet d’un remboursement aux « frais réels » à la condition expresse que les sommes engagées ne sortent pas du cadre de la mission assignée à l’élu et ne présentent pas un montant manifestement excessif ». Rien n'autorise cela. Le ministre du budget l'a rappelé le 24 avril 2012 à un sénateur (réponse à question écrite publiée du reste par l’AMF, association des maires de France) : « le remboursement des frais exposés » doit, comme pour toute dépense d’une collectivité territoriale « se conformer aux règles applicables au maniement des fonds publics » et en l'espèce les règles applicables sont celles prescrites pour le remboursement des frais des fonctionnaires.
Les « règles applicables » sont au niveau législatif l’article L 2123-18 du code général des collectivités territoriales : « les frais ainsi exposés (par les élus dans l’exécution de leur mandat) peuvent être remboursés forfaitairement dans la limite du montant des indemnités journalières allouées à cet effet aux fonctionnaires de l’Etat » et au niveau réglementaire l’article R 2123-22-1 du même code : « la prise en charge de ces frais est assurée dans les conditions définies par le décret du 28 mai 1990 fixant les conditions et modalités de règlement des frais occasionnés par le déplacement des personnels civils sur le territoire métropolitain de la France ». Ainsi le remboursement forfaitaire est le seul légal, il se fait sur la base des indemnités allouées aux fonctionnaires de l’Etat.
- 3ème contrevérité dans le rapport : la mention que les Conseils municipaux peuvent adopter le remboursement accordé aux fonctionnaires de l’Etat « appartenant au groupe I » : erreur ou tromperie, cette référence aux fonctionnaires du groupe I a été abrogée par l’article 84 de la loi du 27 février 2002. Les élus sont éligibles au régime normal des fonctionnaires.
Enfin on sait pourquoi le percepteur d’Elne demande une délibération : sa responsabilité personnelle et pécuniaire est engagée quand il est amené à rembourser aux frais dits « réels ». Le percepteur veut se mettre à couvert. La Revue de finance locale (ex "mémorial des Percepteurs et receveurs") l'écrit crûment : "la réglementation ne prévoit que le remboursement forfaitaire des frais susmentionnés dans les conditions prévues pour les fonctionnaires. Toutefois, si la délibération accordant le mandat spécial prévoit un remboursement à hauteur des frais engagés, le comptable qui n’est pas juge de la légalité pourra procéder au paiement de ces frais ». Ce qui veut dire : le remboursement aux frais dits « réels » est illégal, mais le comptable ferme les yeux s’il a une délibération le décidant (en l’occurrence le comptable d’Elne semble avoir invité le maire de Saint-Cyprien à officialiser l’illégalité).
Mais la revue précise aussi que la délibération « bénissant » (à ses yeux) l’illégalité est celle qui doit autoriser le mandat spécial donné à l’élu. Ce ne peut pas être une délibération vague et générale comme celle qui a été proposée et qui laisse au maire la possibilité de faire comme il veut, quand il veut. La précision est importante: « pour obtenir le remboursement des dépenses engagées dans le cadre d’un déplacement ou d’une mission, l’intéressé (l’élu) doit agir eu titre d’un mandat spécial, c’est à dire d’une mission accomplie dans l’intérêt de la commune par un membre du conseil municipal et avec l’autorisation de celui-ci » (extrait du statut de l’élu local, édité par l’association des maires de France, version juillet 2010). « la notion de mandat spécial exclut toutes les activités courantes de l’élu et doit correspondre à une opération déterminée de façon précise, quant à son objet et limitée dans sa durée… Dans la mesure où il entraîne une dépense, le mandat spécial doit être conféré à l’élu par une délibération du conseil, cette délibération pouvant être postérieure à l’exécution de la mission en cas d’urgence ». Autrement dit quand par exemple un élu va au congrès des maires ou tras las montes à des rencontres de jumelage ou ailleurs pour un autre motif, il faut une délibération expresse du conseil et c’est alors que celui-ci décide ou non de ne pas respecter la loi et de déroger à la règle du remboursement forfaitaire.
Le maire écrit dans le rapport que c’est l’ordre de mission qui précisera le mode de remboursement : ce n’est ni le texte ni l’esprit du texte ; ce n'est pas un ordre de mission du maire, c’est le conseil municipal qui décide des dépenses, donc du mandat, et du mode de remboursement qui ne peut qu’être conforme aux règles nationales. Le maire actuel devrait se souvenir que l’opposant Del Poso s’était beaucoup indigné des dépenses abusives (et remboursées abusivement) de l’ancien maire dans ses divers déplacements.
Il est clair que des précisions étaient utiles pour informer les élus. Mais ce rapport fait tout le contraire, il désinforme. C’est un tissu d’inexactitudes et de mensonges délibérés pour tenter d’organiser (de bénir avec la complaisance du percepteur et en attaquant une élue qui dérange) une procédure parallèle à la loi qui permettrait désormais aux élus de Saint-Cyprien de faire des états de frais sortant de l’épure légale, de s’octroyer un régime privilégié (par rapport à tous les fonctionnaires publics de l’Etat et des collectivités locales), sans même avoir à solliciter au coup par coup l’aval de l’assemblée communale.
Pour aider à leur saine information nous publions dans la rubrique « Faisons les comptes » un dossier sur « les frais de mission » avec les pièces citées ci-dessus, notamment l’extrait du statut de l’élu local » publié par l’AMF et celui du mémorial des percepteurs.
A toutes fins utiles (?) nous informerons aussi le Préfet, le directeur départemental des finances publiques et la Chambre régionale des comptes.