Voici la lettre adressée au préfet (et au président de la chambre régionale des comptes) en date du 5 octobre 2013
"Monsieur le Préfet,
Je dois appeler votre attention sur les décisions successives prises par le maire et le Conseil municipal de Saint-Cyprien en vue de la construction d’un gymnase.
La première délibération est du 21 avril 2011. Elle annonce que « la commune souhaite réaliser la construction d’un gymnase structurant » : ce « souhait » émane du seul maire puisque jusqu’alors le conseil municipal n’a pas été amené à délibérer sur l’opportunité de cet investissement et n’en a pas décidé la réalisation. Le principe lui-même n’en est d’ailleurs pas voté ce jour là faute de présentation précise du projet. Néanmoins le maire fait valider l’octroi de la maîtrise d’œuvre à un groupement ARCHI-CONCEPT et autres pour une rémunération forfaitaire fixée à 174 000 € HT représentant 8,70 % de taux de rémunération. La délibération indique que les crédits « seront » inscrits au budget. Vu cette rédaction ambiguë, on peut déjà s’interroger sur le caractère forfaitaire ou proportionnel de la rémunération
La deuxième délibération, du 25 septembre 2012, décide de lancer un concours restreint de maîtrise d’œuvre, à tranche conditionnelle, en fixant un montant global maximum de 3 millions € HT soit 3 588 000 TTC. On peut aussi s’interroger sur la cohérence, dans un concours, d’un plafond financier et de tranche conditionnelle.
La dernière délibération, du 20 juin2013, conclut le marché en confirmant les incohérences de cette procédure.
- le marché a été attribué au groupement Koz architectes pour 3 millions HT soit 3 588 000 TTC, car cette équipe a « fait preuve d’innovation ». Sur ce point, l'appel d'offres ayant plafonné le coût à ce montant précis de 3 millions, il est à craindre que l'entreprise pour s’y confirmer exactement ait sous estimé certains postes ou qualités, et vienne solliciter ultérieurement des avenants.
- Cette attribution du marché de travaux est de plus assortie d’un nouveau marché de maîtrise d’œuvre au profit du cabinet déjà retenu le 21 avril 2011. Il n’est pas précisé si ce précédent marché et cette précédente délibération sont annulés. Mais le montant des honoraires et le mode de calcul sont fortement modifiés. Il est décidé que le taux de rémunération est de 12,95 % (contre 8,70 % précédemment) et le montant total de 464 646 € TTC (contre 208 104 € précédemment). L’entreprise en question a été choisie en 2011 comme étant "économiquement la plus avantageuse" : rien n’indique si le marché de 2013 a réouvert sur ce plan la concurrence et si le cabinet ARCHI-CONCEPT conserve à ce niveau majoré d’honoraires son classement plus avantageux.
Le montant actuel de l’opération (qui, sans préjudice de tranches conditionnelles ou avenants, devra à coup sûr être actualisé en fonction du taux de TVA) se chiffre désormais à 4 095 702 € ainsi répartis :
- Travaux = 3 588 000
- Maîtrise d’œuvre = 464 646
- Primes de dossier aux candidats non retenus = 43 056
Or l’enveloppe financière affectée au projet a été « évaluée à 3 millions € HT maximum » dans la délibération du 25 septembre 2012. Et son financement a été vaguement esquissé : 2 millions HT en « autofinancement produit par la collectivité » et 1 million HT en fonds de concours de Sud-Roussillon. On peut s’interroger sur cette évaluation d’un financement en HT (la récupération TVA ne pouvant à ce stade être anticipée). Plus gravement on doute du sérieux de cet autofinancement « produit » par Saint-Cyprien vu sa situation financière. On est en droit de s’inquiéter plus encore du déficit de ce pseudo plan de financement : 3 millions HT pour plus de 4 millions TTC.
Mais au total ce plan de financement n’est pas seulement insuffisant et fictif, il est inexistant : la seule délibération à portée financière, celle de 2011, prévoit que « les crédits nécessaires au financement la maîtrise d’œuvre (soit 208 104 €) seront inscrits au budget de la commune ». Aucun crédit approprié n’a été inscrit mais le maire a été autorisé à signer les marchés.
Résumé de la procédure :
- le maire lance le marché de maîtrise d’œuvre avant décision sur le projet.
- deux ans plus tard la commune modifie substantiellement ce marché
- le conseil municipal s’est prononcé sur une enveloppe financière de 3 millions HT et le coût actuel est porté à plus de 4 millions TTC
- le maire signe les marchés sans en avoir le financement
Conclusion de la procédure :
- le projet est bouclé et présenté avantageusement aux électeurs dans le bulletin municipal qui annonce l’ouverture du chantier en 2014
- on laisse au conseil qui sera élu en mars 2014 la charge de trouver les moyens de tenir les engagements signés à découvert par le maire sortant.
J’ai pensé que, comme d’habitude, cette analyse intéresserait votre service de contrôle ainsi que la chambre régionale des comptes au regard à la fois des procédures et de la situation financière de la commune.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, mes salutations distinguées,