Le procès de la corruption à Saint-Cyprien (P.-O.). Petits cadeaux, gros billets, œuvres d'arts et urbanisme : le procureur renvoie treize suspects au tribunal correctionnel.
Les cadeaux, c'est permis" se plaisait à dire l'UMP Jacques Bouille, qui fut pendant près de 20 ans maire de Saint-Cyprien (P.O.), une station balnéaire de 10 000 habitants, avant de se suicider en prison, le 24 mai 2009. Et des cadeaux, le procureur de la République de Perpignan en a recensé beaucoup, dans son réquisitoire de 72 pages, qui renvoie treize suspects au tribunal.
"Une véritable frénésie d'achats"
Il y a ceux que le docteur Bouille, surnommé “Mack-Bouille “par certains opposants, se faisait à lui-même, avec l'argent de ses contribuables. En courant les salles des ventes, soi-disant au profit des deux musées de sa commune. "Une véritable frénésie d'achats" note le magistrat qui a fait les comptes : plus de 7 M € d'œuvres d'arts achetées en six ans.
notons en passant qu'on attend toujours de savoir quelles sont les oeuvres que la ville a récupérées et quel sort on compte leur réserver.
Notons aussi qu'on n'a jamais eu connaisance de l'audit demandé sur ces oeuvres à M. Humpage, audit payé à sa société "guides sans frontières" et "réalisé" (sic) par Mme Misme embauchée ensuite par l'office du tourisme !
Il dit "qu'il se sent zieuté"
De belles pièces, un Utrillo, un Vlaminck, et des centaines de netsuke, des figurines japonaises exposées non au musée, où aucun inventaire n'était établi, mais dans le bureau du maire. Bien des tableaux, d'ailleurs, n'étaient pas visibles par le public. Et lorsqu'à l'automne 2008, Jacques Bouille apprend que la P.J. enquête, il dit "qu'il se sent zieuté". C'est la panique. Les policiers découvriront des tableaux de partout : chez lui, mais aussi "sur un terrain vague, propriété du maire, et dans un poulailler appartenant à sa mère.
Un Vlaminck à 60 000 €.
Damien Piller, avocat et promoteur suisse ayant mené cinq projets immobiliers à Saint-Cyprien, partageait l'amour de l'art de Jacques Bouille : pour jouer les mécènes, en 2006 et 2007, il a payé dix tableaux, dont le Vlaminck à 60 000 €. Total : plus de 400 000 €, sans doute directement achetés par Jacques Bouille en personne. Quand le scandale a éclaté, Me Piller a fourni des lettres datées du jour de la vente, indiquant que chaque tableau était destiné "à la fondation d'intérêt public" associée au musée de Saint-Cyprien. Problème : cette fondation, "c'était une idée en l'air, qui n'a pas abouti" dira en 2009 Jacques Bouille aux policiers.
notons en passant que M. SCHULLER est le patron de la LODEF à qui le maire (actuel) M. Del POSO a consenti "gracieusement" une servitude de passage sur un terrain communal en vue de desservir son lotissement "le sillage" (sur une longueur de 129 mêtres et une largeur de 2,5). Le rapport était présenté par M. GAUZE adjoint à l'urbanisme mais M. Del Poso a refusé obstinément d'exiger une indemnité comme nous le lui demandions pour préserver les intérêts financiers de la commune ... et la morale publique !
"Les tableaux, je m'en foutais"
Tracfin a compté 280 234 € déposés en liquide sur les comptes bancaires des époux Bouille, en 2006 et 2007. Dans le même temps, le couple a acheté pour 460 000 € d'œuvres d'arts et de bijoux. D'où venait l'argent ? Peut-être de ces enveloppes versées par les entrepreneurs pour obtenir un marché, ou une autorisation de lotir. À l'un d'eux, le maire "avait demandé pour faire avancer le dossier le versement en liquide d'une somme de 50 000 €" raconte le procureur. L'entrepreneur refuse, le maire relance en proposant qu'il achète deux tableaux, par chèques, pour la même somme : l'entrepreneur s'exécute.
Des pratiques contagieuses
"Les tableaux, je m'en foutais" raconte un autre chef d'entreprise, qui en a quand même acheté huit en 15 mois, pour 155 000 € et a conservé la quasi-totalité des marchés de travaux d'électricité de la commune. Mais d'autres ont directement versé des enveloppes, dont ce promoteur à qui le directeur de cabinet du maire demande "un droit d'entrée correspondant au paiement d'une commission en liquide de 37 500 € soit un tarif établi de 3 € le m2" rappelle le procureur.
Le magistrat note que ledit directeur de cabinet a fait doubler son salaire en se faisant payer par l'office de tourisme (6 300 € mensuels), tandis que le directeur général des services, qui prenait aussi sa part sur l'enveloppe, cumule lui deux salaires (9 400 € par mois au total). Des pratiques contagieuses : l'adjoint à l'urbanisme signe le permis de construire d'un hangar sur le port, au profit d'une SCI appartenant à son fils, et dans lequel il a lui-même investi 150 000 €.
Le successeur de Jacques Bouille à la mairie vend un terrain communal à une société qu'il administre, au tiers de l'évaluation des Domaines... Reste cette perle rare, qui a refusé de cracher au bassinet, et auquel le procureur rend hommage, à la page 32 : "Il résumait sa position en une formule lapidaire : "Je ne donne pas d'argent aux enculés (sic)".
notons pour finir que les mots sont aussi contagieux que les pratiques puisque le dernier mot de cet article a été repris, comme on sait, par le nouveau maî(t)re en avril 2012 ... mais contre d'autres cibles ...