C'est ce qu'on a trouvé pour nous distraire un peu de la fortune de Mme Bettencourt, de la dramaturgie footballistique et du feuilleton des retraites: la prime de performance versée aux préfets. On peut en discuter interminablement. Payer un travailleur, et donc pourquoi pas un fonctionnaire, selon son efficacité et non plus seulement selon son grade, sa qualification ou son dévouement, a priori ce n'est pas stupide, ça peut rendre le travailleur, et même le fonctionnaire, un peu plus efficace (à condition de ne pas l'asservir). Encore faut-il savoir en fonction de quel critère on note et on récompense. La seconde question est de savoir qui apprécie et récompense.
Dans le cas des préfets par exemple, si le barème repose sur les résultats en matière de sécurité et la signature de contrats d'emploi aidés, l'appréciation des performances risque de rester un tantinet partielle eu égard à la diversité des tâches qui leur incombent. Privilégier telle ou telle action, et en rémunérer les résultats particuliers, risque d'inciter les moins scrupuleux ou les plus courtisans à se consacrer à ces objectifs programmés par l'autorité et partant à négliger les autres. Et parmi les autres actions figure, pour ne parler que de ce qui nous intéresse, le contrôle de légalité sur les collectivités locales et les élus: ce qui veut dire que le Préfet des P.O., comme les autres bien sûr, sera payé en fonction des statistiques policières, pas des recours au Tribunal administratif. Comme les P.O. ont une forte fréquentation - mais aussi un nombre important de collectivités publiques à contrôler - la tentation est naturellement encouragée par le système à sanctionner davantage les citoyens en infraction sur les routes que les élus contrevenant à la légalité (c'est simple, ça ne coûte rien et ça peut rapporter). On sait ce que cela donne ici et sur ce dernier point même si le titulaire actuel "n'a pas à (nous) rendre compte" de son inaction en la matière.
Il serait intéressant de compléter le dispositif en consultant les administrés sur le rendement réel, ou ressenti, concernant les actions de l'Etat qui les touchent: ça permettrait au Ministre de mieux sentir le vécu réel des citoyens face, ou à côté, à l'administration. Si le ministre de l'intérieur trouve qu'un préfet n'est pas bon, il lui suffit d'abord de le mettre en garde puis de le muter, puis de le vider, ça on sait faire à Paris. Mais encore faut-il qu'il ait les moyens d'apprécier vraiment son rendement global, et pas seulement sur des stat. dont on sait comment on les gère. Enfin si pour qu'un Préfet fasse bien son boulot il faut lui promettre une carotte, c'est un peu inquiétant quant à la déontologie des "grands commis de l'Etat". Qu'on paye bien les hauts fonctionnaires qui sont à la fois loyaux, intègres, compétents et efficaces, évidemment. Mais qu'on ne les traite pas comme des footeux (avec des primes de match), qu'on ne les stimule pas artificiellement par des sucettes (à 60000 euros quand même!).
Au fait, c'était le point de départ de la réflexion du jour sur les primes : va-t-on aussi bonifier les indemnités des élus à la performance? Sud-Roussillon et Saint-Cyprien, qui ont atteint le plafond de ce qui est autorisé, doivent y réfléchir. Nous proposerions plutôt l'instauration d'un malus, apprécié par exemple sur l'évolution de la fiscalité, de la dette, les non économies de gestion, l'entretien des parcs et espaces publics, l'opacité de la gestion et l'absence de projets, le respect des promesses de campagne etc...