· " La cour d’appel administrative de Marseille a tranché le 27 novembre : l’établissement public du port de plaisance de Saint-Cyprien, dans les Pyrénées-Orientales, est à but lucratif et n’accomplit pas une mission indispensable, d’intérêt général. La commune ne peut pas être exemptée du paiement de l’impôt sur les sociétés.
La commune de Saint-Cyprien conteste le paiement de l’impôt sur les sociétés pour la gestion de son port de plaisance de 3 000 anneaux, en se fondant sur les articles 206 et 207 du code général des impôts qui indiquent que les « régies de services publics » sont exonérés de l’impôt sur les sociétés. Or, l’exploitation du port est assurée depuis juillet 1996 par l’établissement public du port de Saint-Cyprien, régie municipale dotée de la personnalité morale.
Pourtant, l’arrêt du 27 novembre de la cour d’appel administrative de Marseille conclut que « les conditions d’exonération d’impôt sur les sociétés ne sont pas remplies. »
Exploitation à but lucratif - La commune argumentait sur le caractère non lucratif, et même « désintéressé », de l’exploitation. Le 27 novembre, la cour d’appel administrative de Marseille a nié à nouveau – elle l’avait déjà fait le 10 juillet 2009 – ce caractère non lucratif.
« L’objet de la régie communale ne consiste pas simplement à assurer la sécurité et la police du trafic maritime ou l’entretien des quais, digues, pontons… mais aussi à proposer des anneaux à la location et assurer des prestations payantes. »
De plus, la commune de Saint-Cyprien « n’a pas fourni d’éléments suffisants » sur les conditions d’exercice de l’exploitation pour « apprécier dans quelle mesure l’intérêt général bénéficie ou non d’une telle gestion » ou « permettant d’affirmer que sa gestion du port de plaisance ne s’exerce pas dans les mêmes conditions qu’une gestion privée à but lucratif ».
Pas d’intérêt général - La cour d’appel a aussi rejeté l’argument « d’intérêt général » avancé par la commune. Le juge avait négligé ce motif en 2009, ce que le Conseil d’Etat a qualifié d’erreur de droit dans sa décision du 7 mars 2012, qui renvoyait l’affaire vers la cour d’appel.
La cour d’appel explique aujourd’hui que, selon la combinaison des articles 206 et 1 654 du code général des impôts, « une régie [...] qui gère un service qui, par son objet, relève d’une exploitation à but lucratif, ne bénéficie de l’exonération d’impôt sur les sociétés [...] que si elle s’applique à un service public que la collectivité territoriale a le devoir d’assurer ». Or, le port de plaisance de Saint-Cyprien n’est pas « indispensable à la satisfaction des besoins de l’ensemble des habitants », mais « réservé à une clientèle spécifique, les plaisanciers, que la commune n’a pas le devoir de satisfaire ».
La commune tentait aussi de différencier les activités lucratives de celles de service public, pour asseoir l’impôt sur les bénéfices tirés de l’exploitation lucrative. La cour d’appel a refusé la sectorisation, en application de l’article 38 du code général des impôts. Elle a aussi remarqué que « la commune de Saint- Cyprien n’a pas constitué de secteurs comptables distincts permettant de dissocier les revenus selon leur origine et ne pourrait pas chiffrer les montants correspondants ».
Plusieurs communes balnéaires du Languedoc-Roussillon redressées - Le juge administratif abonde finalement dans le sens du rapport 2012 de la Cour des Comptes, qui reprend une enquête de la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon sur 15 communes balnéaires. « Après une période d’atermoiement de l’administration fiscale, il est désormais clairement établi que les ports de plaisance sont assujettis aux impôts commerciaux, quel que soit leur mode de gestion. [...] L’impôt sur les sociétés s’applique aux ports de plaisance comme à toutes les activités à caractère lucratif des communes en application de l’article 206 du code général des impôts. » La Cour des comptes rappelait que les ports de Carnon, Palavas-les-Flots, La Grande-Motte et Frontignan, sans autonomie financière, avaient un temps échappé aux impôts et taxes, mais que des redressements importants leur ont été appliqués par les services fiscaux. Le rapport relevait aussi que la commune audoise de Leucate « n’a jamais déposé de déclaration pour son port de plaisance au titre de l’impôt sur les sociétés, ce qui l’expose à de prochains redressements ».
Article paru (le 10/12/2012) dans www. lagazettedescommunes.com/ sous la signature de R. Richard
· * les communes balnéaires du Languedoc-Roussillon dans le rapport 2012 de la Cour des comptes