L'ère Bouille est achevée. Les hommes ont changé, mais les méthodes perdurent et prospèrent. Le clientélisme, ce mot revient souvent dans les propos des Cyprianais en écho des dérives passées et des incohérences gestionnaires des élus actuels de la ville.
De quoi parle-ton ?
La décentralisation a eu un effet de souffle sur des pratiques auparavant considérées comme exotiques. Le clientélisme a toujours existé mais ses effets étaient mineurs tant que les politiques locaux avaient un pouvoir limité en compétences et soumis à un contrôle fort de l'Etat. A partir du moment où l'on a transféré massivement des moyens financiers et des compétences, on est passé dans un autre espace auquel les esprits ne sont pas encore formés et par rapport auquel les dispositifs légaux restent en retard.
Le clientélisme n'est pas une politique. C'en est même le contraire, la négation. Les pratiques clientélistes ignorent le contenu des affaires publiques. Il n'y a pas d'engagement citoyen sur une réflexion de fond ou des perspectives. Il s'agit clairement d'un engagement entre les personnes, de l'une à l'autre.
Comment ça marche ?
Le coeur du clientélisme réside dans le vote : "tu votes pour moi". Avec en échange une contrepartie du genre "et moi je t'embauche, ou j'embauche ton fils, ta fille, ta femme, ton cousin, ta cousine, quelqu'un dont tu es garant par rapport à moi et qui t'oblige envers moi". La contrepartie se décline en offres diverses, embauche, logement, subventions... bref en avantages qui scelle ce pacte humain. La mairie de Saint-Cyprien ressemble un peu plus chaque jour à une pension de famille.
L'échange est basé sur les moyens d'action qu'offre l'argent public. Les principaux objets de l'échange sont l'emploi public (offre / promotion ) mais aussi le logement. A ces deux moyens d'action traditionnels, le clientélisme moderne ajoute les subventions ou aides matérielles octroyées par la municipalité aux associations. Selon leur nature, la contrepartie sera pour celles-ci de relayer "la bonne parole de l'élu" ou de faire "les bons choix" dans les conventions qu'elles mêmes pourraient avoir à passer avec d'autres intervenants (par exemple, le collège privé qui souhaiterait organiser des stages sportifs). C'est la stratégie de la toile d'araignée qui permet de tisser et densifier le réseau de futurs électeurs mais aussi d'étouffer les contestations. Mme Nègre cible si bien son activité en ce sens qu'elle en oublie les Restos du Coeur, ces "exclus" qui n'offrent pas à ses yeux de contrepartie.
Dans tous les cas, l'attribution de l'échange est personnalisée, c'est à dire qu'il ne faut pas qu'il y ait un droit ; on ne s'adresse pas à un ayant droit, on ne s'adresse pas à un allocataire. "Parce que je le veux, toi tu auras ce que tu me demandes". L'attribution de l'avantage doit être arbitraire, sinon tout le système s'effondre.
On va donc s'employer à rendre la gestion des services publics la plus opaque possible. Cela implique que les commissions d'attribution doivent être "bidons", les appels d'offre (emplois / marchés publics...) fictifs, ou virtuels, sans réelle publicité, comme ce fut le cas pour le recrutement de M. Humpage ou la "vente" du camping Al Fourty, les décisions mêmes les plus simples doivent devenir aléatoires, comme ce fut le cas avec le mauvais feuilleton sur la constitution de partie civile ou dans un ordre d'idée différent, la décision d'obtempérer à la décision de justice pour tenir le conseil municipal extraordinaire (après refus par voie de presse) et au final de saborder ce conseil. Désinformation, dissimulation, annonces ponctuelles avec mise devant le fait accompli, d'où l'urgente nécessité de "virer" les élus de Pugnace des postes d'observation, l'Epic Tourisme, Port et Sud Roussillon. Cette opacité organisée nécessite l'absence de critères objectifs d'évaluation : ni bilan, ni audit, ni analyse prospective. L'audit financier promis lors de la campagne n'est toujours pas fait, pas plus qu'un plan de redressement de la dette. Aucune étude chiffrée n'a été faite sur les marges de manoeuvre de la ville, ni aucune analyse sur ses capacités d'investissement. Même vide en matière d'urbanisme, de politique touristique, culturelle, patrimoniale... On comprend mieux à quel point les élus de Pugnace pouvaient gêner, eux qui n'ont eu de cesse de réclamer ces évaluations. Leur mise à l'écart permet, le maire l'a dit et répété, à l'équipe de "travailler" sereinement. "Travailler", mais à quoi ?
à suivre