On a pu lire dans l'Indépendant du 12 décembre (voir ci-dessous) ce commentaire du sénateur Calvet, responsable du parti UMP dans le département, suite à la garde à vue du maire du Barcarès pour prise illégale d'intérêt et favoritisme. Ces nouvelles procédures contre M. Ferrand ne lui causent "pas de souci" puisqu'il a déjà réintégré l'intéressé au sein de son parti après une précédente traversée du désert judiciaire: la présomption d'innocence évidemment dispense de chercher à savoir si l'histoire judiciaire va se répéter.
Et plus encore la présomption d'insignifiance autorise à ne pas s'en soucier : présomption d'insignifiance puisque la procédure judiciaire étant initiée par "l'opposition", il est clairement sous-entendue qu'elle ne peut être que malveillante, infondée, donc négligeable. Cela suffit au responsable politique pour afficher son indifférence à ces tracasseries électoralistes. Point n'est besoin à ce législateur de chercher d'autres éléments d'information pour savoir si la loi a été violée ou pas.
Il faut dire du reste qu'au Parlement les élus locaux font tout pour s'aménager un statut de quasi impunité pénale. Une proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat, a été adoptée en commission à l’Assemblée nationale le 13 novembre 2013. Le texte, déjà voté par le Sénat, sera prochainement examiné en séance publique. Il comprend, en son article 1 A, une régression importante.
Aujourd’hui, le code pénal réprime le fait pour les élus, les fonctionnaires et assimilés, qui ont en charge la gestion ou la surveillance de fonds publics, de faire en sorte qu’une partie de ces fonds profite à eux, à leurs proches, à leur parti ou à toute personne qu’ils souhaitent favoriser. La proposition de loi vise à dépénaliser les situations où l’élu favorise un tiers, comme un parti ou une association politique, sans enrichissement personnel ... ce qui permettrait par exemple au maire de saint-Cyprien de "favoriser", frauduleusement, l'UMP pour obtenir en retour le soutien et le financement du parti dans ses campagnes électorales. Cette supposition relève évidemment de la politique-fiction mais elle illustre l'aberration du texte projeté.
La prise illégale d’intérêt sanctionne non l’enrichissement personnel de l’élu, mais l’appauvrissement de la collectivité publique. Pour la collectivité, le préjudice reste le même quel que soit le bénéficiaire de la faveur.
Le parlement a voté, dans la loi sur la transparence de la vie publique, des dispositions pour prévenir les conflits d’intérêts. Il ne saurait, sans incohérence et hypocrisie, voter peu après la dépénalisation, même partielle du plus emblématique des conflits d’intérêts : la prise illégale d’intérêts.
M. Calvet va-t-il voter "sans souci" cette proposition, qui donnerait un blanc-seing à quelques élus peu soucieux du bon usage des fonds? On n'ose pas imaginer que sa conviction (comme celle de l'autre sénateur) dépende du seul souci de ménager son corps électoral constitué de maires et d'élus locaux ...