Il l’a annoncé deux fois, en mars et en octobre : la démocratie est mise au placard. C’est fait : sorti des urnes (il n’en revient pas et voudrait tant y revenir) le maire omnipotent a décrété que la ville c’est lui, que sa volonté seule doit s’imposer, que tout débat est inutile, car il sait tout et il peut tout. Il en a donc déduit que tout débat doit être rendu impossible. Pour verrouiller son dispositif le chef de village a décidé de franchir un nouveau seuil dans l’autocratie locale : il lock-oute les commissions. Tout « conseiller » (le terme doit agacer ses oreilles) insoumis à son pouvoir n’a plus qu’un droit : celui de comparaître en Conseil municipal (car, hélas ! la loi impose encore au maire cette formalité) pour assister à l’approbation passive des volontés du chef par les eunuques de sa tribu. Tout débat est désormais impossible en commission, la commission dite organique du Conseil est un organe atrophié dont le maître de céans dispose à sa guise pour tantôt faire joujou tantôt exorciser l’opposition terroriste. Il a ainsi décidé que la commission des finances n’a pas à discuter sur le budget de l’office du tourisme, sur les crédits du port, les taxes et redevances, sur les virements de crédits dont le conseil doit décider et il en sera sans doute de même demain sur le budget primitif.
La commission des finances était convoquée hier soir 24 novembre à 18 heures, avec en ordre du jour annoncé le DOB, dossier dit « débat d’orientation budgétaire ». A l’heure dite étaient présents M. Andrault, seul représentant de la majorité et trois élus de l’opposition terroriste, Mme Jaillet, MM Colom et Jouandet : « que voulez-vous qu’il fit contre trois ? » Au grand siècle on eut dit : « qu’il mourût ou qu’un beau désespoir alors le secourût » Mais l’adjoint Andrault a du oublier Corneille comme il a oublié, si jamais il les a apprises, les règles de la gestion publique démocratique. Son désespoir l’a conduit à appeler au secours. Mme De Sars, l’experte en gestion et en finances qui annonçait, il y a peu, son avidité d’œuvrer en la matière, n’est pas accourue. C’est M. Civale qui est arrivé. Visiblement fatigué par une journée bien chargée, de quoi on ne sait, on n’ose dire, mais le visage las et la démarche autant que l’élocution montraient bien que l’heure n’était pas pour lui aux échanges chiffrés et aux prospectives financières. M. Ramond, secrétaire du conseil et permanent de ces commissions, était prudemment rentré dans ses foyers. Et notre duo, Andrault-Civale, affichait la mine embarrassée du serviteur honteux que le maître a chargé d’exécuter une grossière impolitesse excédant son humble condition. L’embarras redoubla quand les trois terroristes ont observé que le dossier du conseil parvenu entretemps portait sur plusieurs sujets à incidence financière et ont posé la question de savoir comment et quand la commission les examinerait. Deux solutions étaient envisageables, soit d’en traiter après le DOB, soit de convoquer une autre réunion. Des réponses du duo, réponses confuses, au double sens du terme, on comprit néanmoins ce que l’on n’osait croire :
Dans sa grande mansuétude l’adjoint aux finances, M. Andrault, la petite voix de son maître, consentait sur ordre du chef de village à parler du DOB … parce qu’il est purement indicatif, on ne vote pas sur le DOB, on écoute et on parlote sans rien changer aux orientations. Mais pas question de discuter des décisions concrètes sur les tarifs du port ou les crédits de M. Humpage, c’est chasse gardée, la commission n’en est plus saisie, nous n’en sommes plus digne, ordre supérieur.
Il ne servit à rien de rappeler au bon sens ces serviteurs soumis, incapables de justifier ce lock-out autrement que par la volonté arbitraire du chef et images pitoyables d’une assemblée locale en perdition. A quoi bon parloter du DOB et ignorer le budget de M. Humpage et les tarifs de M. Paillarès ? Nous partîmes, laissant notre duo gérer dans l’intimité le ridicule de leur rôle.
La commission des finances sur le DOB fut donc comme celle de l’an dernier (le 8 mars 2010 enneigé) une commission fantôme d’un conseil fantoche manipulé par un maire indigne.