La République à vocation irréprochable avait promis un choc de compétitivité puis récemment un choc de simplification. Elle encaisse un choc d'indignité dont la brutalité métamorphose les indifférents d'hier en moralisateurs d'opportunité. Les médias ressassent les commentaires des officiels, des experts, des observateurs et autres communiquants toujours prêts à juger, à conclure et à se mettre en scène. Paris déverse sur le bon peuple ahuri ou en colère les grands mots, les sursauts de vertu, les interpellations, les préconisations de ceux qui, après coup, disent leurs quatre vérités à qui veut bien les entendre, les filmer et re-légitimer ainsi leur probité républicaine outragée par celui qui a déshonoré la République qu'il devait servir.
Cela est-il fait pour mobiliser positivement l'indignation ou pour la décompresser? Pour analyser les vices d'un système qui a laissé faire, voire facilité, en tout cas n'a pas empêché ? Et pour en corriger les défauts, en sécuriser les institutions et en rassurer les citoyens ? On veut penser que d'un mal sorte un mieux. On veut espérer que les responsables majeurs et tous les acteurs du monde politique, ceux qui ont été négligents parce que solidaires ou ceux qui n'ont pas été entendus parce que solitaires, que tous, au-delà de l'agitation verbale du moment, tireront les conséquences de ce choc national.
Car, au risque d'abuser aussi des mots et des grands sentiments, il faut dire à Paris, d'ici et de partout, que c'est la Nation, le pays, le peuple en son entier qui sont ébranlés. Chacun de nous, quels que soient son niveau d'engagement social ou sa sensibilité politique, est personnellement affecté par cet outrage public à l'Etat, à la démocratie et aux citoyens. On le sait, et les candidats en reprennent le thème à chaque campagne électorale, parmi les attentes de la population, il en est une qui revient sans cesse: c’est le désir d’exemplarité de l'homme public, ce besoin de remise en confiance et en estime de la politique et de ceux qui en ont reçu mandat et qui en font profession.
La République pour être irréprochable a besoin de garde-fous et de contre-pouvoirs. C'est un organe d'expression libre, Médiapart, qui a dénoncé le mensonge et la dissimulation. Et c'est la Justice qui est appelée à y mettre un terme et une sanction. Comme de coutume la défense politique a crié à la diffamation, a menacé de poursuite judiciaire ceux qui disaient la vérité. La vérité s'est finalement imposée au monde politique, mais que de dégâts et de temps perdu !
Là où elle existe encore la démocratie locale ne tient que par ses garde-fous et ses contre-pouvoirs. Point n'est besoin pour l'établir de rappeler qu'à Saint-Cyprien, comme à Paris, le mensonge est de nature à polluer le pouvoir et que le pouvoir protège d'instinct son mensonge par les procédures de diffamation; ce serait injurieux de le dire, nous ne le disons pas ; les citoyens d'ici, au fait de la réalité quotidienne, savent à quoi s'en tenir.
Le lourd passé de Saint-Cyprien nous autorise cependant à prendre acte du choc d'indignité qui a secoué le pays. Il nous fait même obligation, à nous tous, citoyens et contribuables, à prendre conscience des enjeux locaux et à prendre nos responsabilités pour agir à contre-courant des errements actuels. Les circonstances, prochaines, et des procédures en cours en orienteront le sens. Mais d'ores et déjà la signification s'impose. Camus l'a proclamé en 1944 en réponse aux urgences du moment: « Nous sommes décidés à supprimer la politique pour la remplacer par la morale. C’est ce que nous appelons une révolution. »
Faisons ensemble de ce choc une révolution pacifique et durable.