Après avoir fait la une il y a un an, Saint-cyprien vit un moment de morosité honteuse. L’atmosphère locale, putride déjà de la décomposition sociale liée aux affaires, s’empuantit peu à peu. D’un côté, l’opinion publique se vautre dans l’ubris révolutionnaire : sur le fumier du " tous pourris " elle ferait volontiers pousser des guillotines. Elle confond rumeur et vérité et ne croit plus que les politiques sont corrompus mais bien plutôt que la politique est corruption. De l’autre, le pouvoir improvise des réponses, de limogeages à contretemps en remaniements mineurs d’adjoints. Au milieu les médias sont accusés par la foule déçue de ne pas lyncher assez vite et par les petits puissants d’accuser sans preuve.
De la torpeur de l’été, le pouvoir espère un oubli général comme si le bronzage valait amnistie. Il se leurre. Certes la mairie profitera de quelque temps de vacances et de festivités avant d’être écrasée par la crise qu’elle n’affronte pas et ligotée dans ses réseaux. Elle n’effacera pas ce profond arrière-goût car ce n’est pas par hasard que les blogs se sont déchaînés.
Nous vivons en fait aujourd’hui dans une cité qui ne s’aime plus et qui déploie de surcroît de la complaisance dans ce dégoût d’elle-même. Sans en être vraiment conscients, les cyprianais se réjouissent en souffrant à trouver chaque jour des raisons de dénigrer leur ville qu’il s’agisse de l’ouverture d’un club libertin ou des petites magouilles locales. Comme si le déclin était acquis, il faut que tout se passe mal et tout, donc, se passe mal.
Pour vaincre ce désespoir nos concitoyens avaient cru en 2009 en un homme providentiel qui change sinon la réalité du moins leur état d’esprit. Il s’étaient remis à croire en eux et en leur cité parce qu’ils voulaient croire en lui. Un an après on voit mal l’actuel maire endosser cet habit de rénovateur et stopper la grande glissade communale à moins de réveiller le charisme de jeunesse et de promesses mêlées, qui fut le sien en 2009. Au moins devrait-on obtenir de lui dans l’immédiat qu’il réorganise et améliore le pouvoir local : les cyprianais ont cru hériter en 2009 d’un haras de cracks, ils sont ahuris de découvrir aujourd’hui les écuries d’Augias
ce texte est traduit en version locale de l’excellent éditorial de Christophe BARBIER sur " un pays qui ne s’aime pas " dans l’EXPRESS du 14 juillet 2010