Le 11 juin 2015 le Tribunal correctionnel de Perpignan a condamné l'ancien maire de Saint-Cyprien pour prise illégale d'intérêts à 2 ans de prison (dont 1 avec sursis), à une amende de 30 000 euros et à 5 ans de privation des droits civils et civiques. On peut en reparler puisque M. Fontvielle lui-même a publié (dans le blog Ouillade) son courrier au Président de la République et le jugement le concernant. Et il est instructif d'examiner ce qui lui a été reproché notamment au sujet de la délibération du conseil municipal qu'il a présidée, le 17 mars 2009, et qui a décidé de céder un terrain communal à la SA HLM dont il était également administrateur. C'est cette double qualité qui lui est reprochée, ou plus exactement le fait qu'une décision publique ait été prise sous son autorité dans des conditions où cette dualité compromettait l'indépendance et la neutralité requises dans l'exercice de la fonction de maire et le fonctionnement du conseil municipal.
Le jugement précise que le code pénal n'exige pas que soit établi un intérêt matériel ou patrimonial, ni même que la décision prise ait causé un préjudice à la collectivité. Le texte sanctionne la prise d'un "intérêt quelconque", qu'il soit matériel ou moral, direct ou indirect. "Le délit de prise illégale d'intérêt est consommé par le seul fait d'exercer un pouvoir ou une action mettant en péril l'indépendance ou la probité des personnes titulaires de ces pouvoirs au mépris de leur devoir de neutralité." Que le délit ne soit ni avantageux pour le maire, ni préjudiciable pour la commune, ni caché, ni poursuivi par le contrôle préfectoral ne l'absout. L'acte matériel du délit est constitué par la présidence et la signature de la délibération du conseil municipal. L'élément moral, l'intention coupable est caractérisée par le seul fait que l'auteur, M. Fontvielle, a accompli sciemment l'élément matériel du délit. La prise illégale d'intérêt est établie par la dualité de l'autorité qui participe à la décision, sa qualité de maire, mandataire de l'intérêt public, et son autre qualité personnelle qui lui confère un autre intérêt particulier.
Décision sévère, semble-t-il, s'agissant en l'espèce jugée d'un intérêt particulier fortement imprégné d'intérêt public, à savoir le mandat d'administrateur d'une société d'HLM et de logements sociaux, et fondée sur une décision, non seulement sans contrepartie financière, mais respectueuse des objectifs nationaux et locaux de développer la mixité sociale dans l'habitat. Mais décision strictement conforme au texte et à la jurisprudence de la prise illégale d'intérêts.
La réflexion judiciaire sur la sanction mérite aussi d'être analysée. Du côté de l'aggravation, le tribunal note que, malgré sa formation professionnelle, l'ancien maire a perdu " le repère du droit, commettant des actes pénalement qualifiables, le repère de l'éthique étant manifestement dépassé par les fonctions qui lui étaient attribuées et le repère de la morale publique, agissant face aux évènements en considérant que la fin justifiait les moyens". Du côté de l'atténuation, le tribunal admet qu'il "évoluait dans un monde politique local ayant perdu tout sens de la probité et de l'honnêteté"
Décision stricte sur le passé mais qui interpelle sur l'actualité. Le successeur de M. Fontvielle a présidé le 8 septembre 2014 le conseil municipal où il demandait à bénéficier de la protection fonctionnelle de la commune pour déposer une plainte en diffamation contre un conseiller municipal qu'il accusait d'avoir tenu lors d'un précédent conseil des propos attentatoires à son honneur de maire. L'objet du débat portant à l'évidence sur une demande présentant un intérêt personnel, à la fois moral et financier pour M. Del Poso, il lui a été demandé à deux reprises, par deux voix différentes de se retirer pour éviter précisément ce que le droit administratif nomme conflit d'intérêt et qui devient pénalement prise illégale d'intérêts. Le maire a refusé obstinément et a continué à présider énergiquement la séance, ne se retirant qu'au moment du vote. Ce faisant, le fait était établi qui déborde largement de la jurisprudence Fontvielle ci-dessus résumée, tant en ce qui concerne les éléments matériels que moraux du délit.
Est-ce prudence tardive ou conseil de l'entourage? Le maire a pris mais un peu tard conscience de la faute de M. Del Poso et a tenté de l'occulter. Il n'a rien trouvé de mieux à faire, disons honnêtement de pire, que d'envoyer en préfecture et donc de faire légitimer par l'Etat une délibération "corrigée", disons cyniquement falsifiée, qui placerait la présidence de la séance sous l'autorité de la 1ère adjointe. La préfecture n'a rien vu évidemment: l'extrait de délibération rendue exécutoire par visa du 12 septembre 2012 indique que M. del Poso était absent et que le conseil s'est réuni sous la présidence de Mme Nathalie
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Post-scriptum de Psittacus
J'ai lu aussi dans le jugement du 11 juillet 2015:
P. F. " s'est retrouvé maire de Saint-Cyprien à la suite d'une cascade d'évènements qui l'ont propulsé à un niveau de responsabilité que manifestement il ne maîtrisait pas ou qu'il a cherché à maîtriser par des arrangements et des solutions en marge de la légalité."