Il n'est pas dans la logique Pugnace, et dans nos habitudes, de critiquer les choix d'opportunité faits par une majorité élue démocratiquement: il appartiendra aux électeurs qui l'ont désignée en 2009 de porter le moment venu une appréciation globale sur la qualité de ces choix. Notre vigilance s'exerce essentiellement sur deux axes. D'abord sur le respect des règles, morales et légales, qui s'imposent à tout pouvoir, même élu, dans un système républicain soumis au droit. Ensuite sur le respect des engagements catégoriques et des exigences fondamentales pour notre cité, à savoir la remise en ordre de l'administration et des finances. Notre pugnacité s'abstient donc par principe de gloser sur les options particulières qui sont prises par le maire, sous sa seule responsabilité politique, quand elles n'enfreignent pas la légalité, ne compromettent pas les finances et ne violentent ni la morale publique ni l'intérêt général... et là il y a suffisamment à faire! Nous n'avons commenté ici ni les parkings rose à poussette d'enfant, ni l'esthétique des lampadaires, ni l'emplacement des containers à ordures, ni les merlons de la plage, ni l'enclos à camping cars, ni tel ou tel aménagement de bureau ou de local dans le domaine de l'EPIC, ni les décisions en matière de marchés forains ou de réfection de trottoir. Mais il y a aujourd'hui sur un de ces chantiers qui préfigurent l'échéance électorale un tel cumul de coût et de mauvais goût qu'il convient de déroger à cette discrétion politique.
Il s'agit de l'aménagement de la place Maillol. Passons sur les questions de savoir s'il fallait la refaire, s'il fallait la refaire maintenant, s'il fallait consulter les riverains après l'engagement des travaux ou s'il ne fallait pas consulter avant le conseil municipal : dans cette commune où le fait du prince fait la loi ce ne sont que des questions impertinentes donc sans réponse. Il s'agit uniquement ici d'apprécier le résultat, ou plus exactement le rapport qualité/prix.
Certes le chantier ne semble pas achevé, certes le maire a annoncé que l'aménagement ne serait que provisoire. Mais enfin fallait-il dépenser 200 000 euros - c'est le prix affiché du marché passé avec l'entreprise - pour cet aménagement précaire et sommaire qui déroule vers la plage un tapis de bitume noir qui rebaptise la place Maillol en place Macadam? Certes on a pris soin de privatiser au préalable la moitié de la place au profit des commerces riverains ce qui a l'avantage de réduire le coût public en même temps que l'espace. Certes on a tenté de mettre en valeur le sinistre revêtement routier par de nobles encadrements de granit blanc. Certes le chantier ne semble pas achevé et sans doute va-t-on le parfaire d'un changement de lampadaires, d'un retour sur son piédestal de la sculpturale Maillol voire de l'érection en vis à vis d'un autre bronze emblématique de notre cité (?). Mais point n'est besoin d'attendre l'inauguration glorieuse (ruban, discours, écharpes tricolores et drapeaux, musique, autosatisfaction politique et démagogie électorale) pour apprécier le résultat. Le décor est déjà planté.
Planté ... empoté est plus juste.
Des pots énormes, vert et gris alternés, cernent la place Macadam. Ils brandissent en surélévation, au niveau des toits de voitures, des oliviers dits pom-pom (c'est la mode de bonzaïfier ainsi en majesté l'arbre biblique) et autant de bouquets de palmiers (à protéger des papillons, charançons et autres prédateurs)
et le maire n'a pas lésiné sur le nombre : il y en a 12 alignés comme à la parade et généreusement offerts au lever de patte canine, aux tags sauvages puis aux affiches électorales
et il n'a pas lésiné sur la dimension : 1 bon mètre cinquante de hauteur et un volume très ... impressionnant
et bien sûr il n'a pas lésiné sur le prix :
en jardinerie le prix public pour un particulier est pour le pot de l'ordre de 1 500 € et pour l'olivier pom-pom de 4 à 8000 € selon la taille et l'esthétique. Quel est le prix particulier pour un client public ? on imagine que M. Figueras a du négocier au mieux, car on connaît les bonnes habitudes de gestion communale. Quoiqu'il en soit, si l'on rajoute la terre (1 bon mètre cube), le transport et la mise en place, le prix de revient de ce délicat décor doit être de l'ordre de 25 à 30 000 €. Si le coût en est inférieur, le maire ne manquera pas pour démentir de présenter les factures .
Ce nombre, ce volume et ce coût semblent avoir été les seuls critères de qualité, au plan de l'environnement et de l'esthétique urbains (est-ce M. Baudu et son atelier d'urbanisme qui a imaginé cette outrance pour justifier la subvention exceptionnelle de l'an dernir?) On pouvait espérer que la réfection de la place Maillol crée en ce site privilégié de transition entre l'urbain et la mer une zone verte de détente et de fraîcheur où les estivants (et même les autochtones) auraient pu faire une pause ombragée, soit en quittant la plage soit en déambulant sur le baladoir. En fait de végétalisation, on retrouve, en version aggravée, noircie et rétrécie, l'ambiance minérale d'un espace de passage sans charme ni attractivité, prétentieusement jalonné de ces bonzaïs incongrus dont la présence ostentatoire devient attentoire au site qu'ils sont censés mettre en valeur. A chacun de juger le rapport qualité/prix.
Dernière question : a-t-on estimé les charges d'entretien manuel de ces plantations surélevées qui vont exiger une mise en forme délicate et régulière ? les risques de vandalisation ? et, question candide, l'impact des tourmentes et tempêtes maritimes ? Cela tiendra-t-il jusqu'au printemps 2014?