Cohérence et volonté sont, après réflexion, les deux thèmes qui se dégagent de la petite revue de presse précédente sur l'intercommunalité: cohérence territoriale et volonté des élus. La difficulté est de savoir d'abord le sens que chacun donne à ces deux mots puis la façon dont leur sens se combine (disons: se conjugue, c'est moins péjoratif).
Le Préfet a évoqué les prescriptions légales. Rappelons que la loi ne contraint pas Sud-Roussillon à évoluer, à disparaître ou à fusionner: la commune n'est pas isolée et son intercommunalité a une population supérieure au minimum considéré comme vital ( 5 000 habitants) ... contrairement à ce que le maire avait solennellement déclaré dans la presse. Donc si on bouge quelque chose c'est qu'il y a une raison autre que la loi pour le justifier, soit un besoin, soit une volonté.
En fait de volonté, le préfet se réduisant à un rôle passif de scribe dit qu'il n'est (et ne sera ?) que le traducteur de la volonté des élus. Question: de quels élus parle-t-il? et que veulent les élus? En ce jeu de monopoly intercommunal les élus sont tantôt aussi indécis qu'un enfant devant un étal de pochettes surprise et tantôt aussi concurrents que les clientes à l'ouverture des soldes annuels. Sans toujours bien savoir ce qu'ils veulent, ni dire pourquoi ils le veulent, les élus sont prêts à jouer des coudes pour être les premiers à faire main basse sur l'occasion ou pour ne pas se laisser écraser par les autres. Exemple: le maire d'Elne qui dit tout aussi fortement que sa volonté c'est sa commune (ce qui est légitime), puis que la cohérence plaidait pour une union allant d'Illibéris à Sud-Roussillon avec Elne (ce qui n'est pas sot) et qui pour fuir l'agglo de Perpignan se réfugie près d'Argelès (ce qui est un choix négatif). Autre exemple: le maire de Saint-Cyprien qui proclame en réunion qu'il est pour le maintien à 3 communes dans Sud-Roussillon (et que les 3 maires sont d'accord là-dessus), puis qui déclare dans la presse qu'il préconise la fusion avec Illibéris ... en sachant que 2 de ses communes n'en veulent pas et que les 3 autres hésitent ... et en pensant peut-être à autre chose.
Quelle est donc la volonté qu'enregistre (et enregistrera) le préfet? il dit républicainement (langue de bois du quai Carnot) "les souhaits de ceux qui ont la légitimité démocratique". Tous les maires du département ont la même légitimité démocratique mais cette légitimité est limitée à leur commune. Le maire de Rivesaltes ou du Soler n'a pas de légitimité sur Saint-Cyprien et le président de l'agglo de Perpignan, ex maire, encore moins. Et chacun, légitime dans son village, n'a que la légitimité que ses électeurs lui ont déléguée dans le passé et pour autre chose. Les maires élus sur un programme municipal pour gérer leur commune n'ont pas été mandatés par la souveraineté populaire pour marier ou remarier leur commune. Plus encore ici: celui de Saint-Cyprien a-t-il pris des engagements sur l'intercommunalité et lesquels quand il a postulé à la succession de Jacques Bouille et promis de redresser la commune? Et s'il renie ses engagements et change d'avis d'une semaine à l'autre, son "souhait" personnel a-t-il une légitimité plus forte que d'autres opinions? Quand des élus d'Elne, ou de Saint-Cyprien, font part au préfet de leurs réflexions sont-ils illégitimes parce que minoritaires sur un plan municipal? pourquoi ne pas s'assurer qu'ils n'expriment pas aussi, voire plus, l'opinion populaire? Pourquoi présumer que l'opinion populaire s'en désintéresse (si on ne lui demande pas son avis!) ou n'y comprend rien (si on ne lui expose pas les données du choix, les avantages et inconvénients respectifs)?
On a, avec l'intercommunalité, un débat qui n'est pas idéologique en ce sens que les choix n'ont pas à être inspirés par des options de droite ou de gauche mais par des considérations d'efficacité de gestion. On a là, avec le remodelage de la carte administrative, un projet d'avenir à organiser non pas selon les souhaits des hommes élus à un certain moment pour traiter des problèmes du moment et du lieu mais un grand projet à imaginer selon les aspirations de la population d'aujourdhui et de demain. On a là, avec cette réorganisation des compétences et donc des pouvoirs non pas un gâteau à partager entre les convives déjà installés autour de la table mais une carte des services publics à mettre en place au mieux des besoins des administrés et au moindre coût pour les usagers et les contribuables.
En résumé, en cette affaire il serait logique de procéder en 2 temps. Il serait bien qu'au lieu de se contenter d'entériner les bons vouloirs de MM. Alduy, Garcia, Del Poso, Pumareda, Dupont, Illary et autres, le Préfet expose clairement les coûts et profits respectifs de chaque option envisageable. Ou s'il ne peut pas le faire (c'est évident) pour chaque situation, qu'il veille à ce que cela soit fait de façon objective et précise, exactement et simplement. Le principe 1er de cohérence serait alors mis en valeur. Le deuxième temps serait celui de la collecte des volontés, mais comme dit ci-dessus pas des volontés individuelles (des tenants du pouvoir local): ce devrait être la recherche de la volonté collective des citoyens dans l'intérêt de qui on est censé oeuvrer.
C'est à notre avis aux habitants de Saint-Cyprien d'apprécier s'il est de leur intérêt de:
- garder Sud-Roussillon à 3 en gardant ce qui est bien et en changeant ce qui ne l'est pas
- agrandir Sud-Roussillon vers l'intérieur, en ajoutant 3 communes (plan du préfet), ou 5 (tout Illibéris) ou 6 communes (+ Elne)
- fusionner avec la grosse communauté du Sud (affinité littoral)
- fusionner avec l'agglo de Perpignan (poids du chef-lieu)
et de se prononcer en connaissance de cause, en fonction de leurs besoins et en fonction du bilan prévisionnel de chaque organisation possible.
Le Préfet veut être "le notaire de la volonté des élus". Soit mais l'acte notarié a ses exigences: le notaire valide les contrats de mariage en s'assurant que les époux ont bien compris le sens de leurs engagements réciproques, il doit le cas échéant les mettre en garde contre eux-mêmes. Et surtout ce ne sont pas leurs parents qui signent l'engagement de leur avenir. Ce n'est pas papa Alduy, Garcia, Del Poso, Pumareda, Dupont, Illary et autres qui doivent cosigner devant Maître Delage le contrat de mariage des cyprianais.