En parlant du pire en mairie, nous ne faisons pas ici référence aux comportements dévoyés de certains qui en polluent les bureaux mais à la gestion des dossiers. Et nous tentons, malgré l'actualité (Fourtygate, Batisoleil), nous tentons de croire que le pire, hormis la mort individuelle, n'est pas inévitable. Même dans les affaires publiques. Non ! la vie collective, le destin social, la gestion communale ne sont pas soumis à la fatalité absolue, d'impuissance, d'échec ou d'erreur. Certes les affaires publiques sont d'une complexité et d'une importance particulières, les procédures sont lourdes et longues. Certes le contexte joue, les contraintes pèsent et l'adversité parfois perturbe. Les habitants de Saint-Cyprien en ont conscience depuis 2008.
Mais dans ce triangle périlleux du contexte, des contraintes et de l'adversité, la collectivité n'est pas soumise à la fatalité. Elle n'est pas sans volonté, elle n'est pas sans capacité. La commune, c'est une volonté impérative, le peuple souverain (le corps social et la légitimité), et c'est une capacité potentielle, l'administration qui en est le bras et les élus qui en sont la tête. Sa force tient à la conjonction de ces 3 acteurs, le peuple, les élus, les services, à la convergence de leurs ambitions et de leur action.
L'impuissance nait de la négligence de la tête à l'égard du corps social, de son incapacité à en satisfaire les besoins ou d'une dérive des ambitions et de l'action. Parfois hélas! les carences se combinent: négligence des intérêts publics, incompétence, égarements. Alors, soyons net, tout fout le camp, la morale, la démocratie, l'efficacité, la crédibilité, la légitimité.
Au risque de radoter en rappelant les vérités élémentaires de notre démocratie, cette vieille démocratie pour laquelle bien des jeunes peuples de la Méditerranée se battent, souvenons-nous de notre contrat social. Le peuple est le guide, l'intérêt général est le but commun, l'objectif de toutes les actions. Les élus sont les pilotes, ils fixent les objectifs, décident les actions, orientent les services. L'administration est l'outil qui met en oeuvre les procédés pour atteindre cet objectif. Ni l'administration, ni les élus ne sont maîtres des lieux, ils sont les majordomes du peuple. A eux le devoir, devoir plus que pouvoir, de le représenter et de le servir. Le représenter d'abord en prenant en charge ses besoins et ses désirs. Le servir ensuite en concrétisant ces objectifs par des choix appropriés et en les mettant en oeuvre par des procédés convenables. C'est ainsi que la politique devient l'art de traduire les idéaux populaires en objectifs possibles. C'est ainsi qu'elle récuse la fatalité du pire.
Objectifs, choix, procédés, les outils du possible en politique sont à manier sans présomption ("yes, we can ! parce que sorti des urnes") et sans alibi ("c'est urgent, c'est la seule possibilité"). Leur enchaînement s'impose en simple logique de gestion, l'exigence de la démocratie rejoint là celle de l'entreprise. C'est cet enchaînement vertueux qui a été brisé dans l'ALFOURTYGATE où l'on a cumulé (fatalité cyprianaise !) des objectifs ambigus, des procédés équivoques et des choix injustifiés.
AL FOURTY
= des objectifs ambigus + des procédés équivoques + des choix injustifiés
Des objectifs ambigus. Le maire a annoncé à la presse "la commune a un besoin important de ressources". Il a développé le thème du "besoin urgent" devant le Conseil Municipal en énumérant des dépenses hétéroclites pour les 4 ans à venir, de l'ordre de 27 à 30 millions €. Puis il a vendu le camping à 9,5 millions.
Donc on encaisse 9,5 pour faire face à un besoin de 27. On oublie la dette colossale (un encours de dettes = 2,5 fois les recettes ordinaires annuelles) qu'on devait réduire. On oublie les emprunts qui grèvent le camping (pour la moitié du prix de vente). On ne dresse pas de priorité entre les dépenses de travaux divers (boulodrome ou écoles, trottoirs ou gymnase, musée ou office du tourisme) et les dépenses courantes (recrutements, achats de véhicules, marchés d'ingénierie). On aliène des biens immobiliers sans définir le bon réemploi des fonds. On décide donc une recette "extraordinaire" c'est-à-dire non renouvelable mais on néglige d'en réaffecter le produit à un objectif durable (tel que le désendettement ou un investissement fort).
L'objectif n'est même pas ambigu, il n'y a pas d'objectif, pas d'objectif avouable, pas d'objectif conforme au contrat politique passé en septembre 2009 de gérer et redresser la ville. On gaspille le patrimoine, comme font les héritiers irresponsables. Vendre du dur (le domaine ex-public) pour se faire du liquide (du cash) afin d'assurer les fins de mois: c'est trahir la confiance accordée par le peuple citoyen, c'est appauvrir la commune.
Des procédés équivoques. Chacun connait maintenant la chronologie normale et la logique d'une telle opération de vente. D'abord on débat de son opportunité ou de sa nécessité et on soumet la décision de principe à l'assemblée compétente, le conseil municipal. L'assemblée fixe l'objectif de prix espéré, les modalités optimum de mise en vente (publicité, procédure) et les conditions de la vente. Elle charge le maire d'engager les actions correspondantes et de fixer le cahier des charges (par exemple sur le maintien durable du camping, sa modernisation et son sur-classement, sa mise en sécurité, le sort des usagers en place, le droit de retour éventuel du terrain à la ville en cas de revente etc ...) Après déroulement des procédures et négociations, le maire revient devant le conseil pour mettre fin à l'exploitation du camping par la ville et décider de sa sortie du domaine public. Puis il rend compte des tractations diverses intervenues et fait approuver le choix de l'acquéreur qu'il propose et justifie. C'est le processus normal.
A Saint-Cyprien, bien sûr on a fait l'inverse. On dit au Conseil (en mars) qu'on ne veut pas vendre. Puis on lui répète (jusqu'en novembre) qu'on lui soumettra la question pour en discuter. Entre-temps (depuis au moins le mois d'avril) et en douce on négocie avec un acquéreur, on l'introduit de fait sur place (en octobre) pour qu'il prenne ses marques, on annonce à la presse qu'on a trouvé preneur, puis on publie une annonce dans la presse pour chercher des preneurs, on écarte ceux qui se présentent, on fait décider par le conseil (en novembre) de fermer le camping puis (en décembre) on lui demande tout à la fois de déclasser du domaine public, d'accepter de vendre et de vendre à M. Ambroise et deux semaines plus tard, avant Noël, l'acte est signé ... car tout était prêt depuis longtemps chez le notaire.
Le procédé n'est même pas équivoque, il est clandestin et hors la loi.
Des choix injustifiés. L'absence de justification est double. En début de procédure, on l'a vu, il n'y a pas de justification sur le fond de l'opération : jamais avant son jour J le maire ne motive la nécessité de vendre le camping (il soutient le contraire en mars), ce n'est que quand tout est noué avec son favori qu'il invoque un besoin d'argent. En fin de procédure il ne donne aucune justification valable sur le choix de l'acquéreur imposé (sauf le fameux "cash"); la 1ère adjointe ne présente pas les 39 autres investisseurs ou exploitants candidats reçus et le maire avoue qu'il a écarté 2 postulants offrant plus que M. Ambroise.
Les choix ne sont même pas injustifiés, ils sont imposés.
Alfourty c'est l'exemple du
"marché noir de l'immobilier communal".
Le pire existe donc hélas! en mairie de Saint-Cyprien, le pire étant d'ailleurs que toutes ces erreurs, ces irrégularités, cette clandestinité fautive, tout cela n'était pas inévitable. On aurait pu respecter les procédures, le calendrier légal, les compétences respectives de chacun, les règles de concurrence et d'égalité des candidats, on aurait pu faire les choses correctement, ne pas perdre de temps et peut-être (peut-être ?) conclure en fin de course avec un M. Ambroise ou un autre pour le prix convenu ou un autre. Mais en vendant sous le torchon et en mettant tout le monde devant le fait accompli, on crée la suspicion maximale sur la moralité de la transaction et celle de ses acteurs. Peut-être à tort mais le mal est fait. Et, facteur aggravant, il est commis de façon délibérée et obstinée. Le pire gît dans ce camouflage qui veut affirmer la suprématie de l'élu n°1 et qui ne sert qu'à discréditer l'acte et celui qui l'a commis. Il gît dans l'obstination mise à persévérer en ces dérives, à se complaire dans le pire ... sans se douter que le pire a aussi une fin.