La dernière décision du TA sur la composition du conseil de Sud-Roussillon (Cf. article précédent et texte du jugement dans le dossier "Justice-suite-2") mérite quelque attention. Le juge n'a pas nié les irrégularités qui affectent l'arrêté du préfet du 21 février (fixant la composition de ce conseil) et par conséquent les décisions qui ont été prises en cette formation irrégulière. Il s'en accommode en disant tantôt que ces décisions sont trop importantes pour être annulées immédiatement car cela paralyserait la communauté et tantôt il juge que cela n'affecte pas assez gravement Saint-Cyprien pour qu'il faille les suspendre. Rappelons néanmoins qu'il s'agit de délibérations approuvant le budget, votant les impôts et les taux de redevance d'eau et d'enlèvement des ordures, impôts et taxes qui vont être mis en recouvrement. Le juge absout provisoirement les erreurs commises en attendant que le Préfet veuille bien les corriger ... comme il l'a promis.
Autrement dit le juge, chargé de dire le droit et de le faire respecter notamment par les pouvoirs publics, valide l'argument de "l'étape transitoire" soutenu par le Préfet dans son mémoire écrit ce qui signifie qu'une illégalité temporaire peut être tolérée ... quand elle émane du pouvoir qui fait la loi ! le juge légitime le temps du non-droit quand il est officiel. Mais il répond pas à la question pratique qui se pose : "que se passe-t-il si les contribuables et les usagers refusent de payer ces impôts et ces taxes votés par une assemblée non qualifiée pour le faire?" Les mauvais payeurs des mauvais impôts seront-ils jugés en infraction ou dans leur bon droit? Le non-droit crée-t-il une obligation pour les citoyens? ou bien "l'étape transitoire" ouvre-t-elle aussi un moratoire pendant lequel les citoyens peuvent faire la grève (transitoire) de l'impôt en attendant le retour du droit perdu ?
Au-delà de cette décision et parce que, d'une certaine façon, elle fait écho à d'autres jugements, cela pose la question essentielle: jusqu'à quel point peut-on, au nom du peuple français, tordre le droit pour ne pas trop déranger ceux qui gèrent au nom du même peuple?
Le droit est-il vraiment rigide quand, dans l'affaire de la démission d'office, le juge rétorque à Jean Jouandet que la présidence d'un bureau de vote n'impose pas la station debout alors que simultanément il estime parfaitement fondée l'excuse présentée par Mme Nègre : un mal de dos inhérent à la station debout? quand il dit que le certificat du 1er, antérieur au scrutin, est trop tardif alors que celui de la 2nde est postérieur d'un mois?
Le droit est-il rigide ou rigolo quand le juge dit que l'attestation du maire donnant la licence de débit de boissons à l'acheteur du camping ne cite pas nominativement Serge Ambroise et de ce fait conclut, de Montpellier, que M. Ambroise n'a aucun droit sur cette licence qu'il exploite depuis 3 ans?
Le droit est-il fluctuant quand au motif d'inondabilité on oppose aux uns l'interdiction de construire "même sur pilotis" à Al Fourty et qu'on y autorise ensuite le bloc massif réalisé par M. Ambroise?
Est-ce seulement du côté de Saint-Cyprien que le temps du droit a des éclipses?