"Six aveugles apprirent un jour que le prince de leur royaume avait acquis un éléphant. Ils avaient entendu parler des éléphants mais ils n’en avaient jamais approché. Ils vinrent au palais où on les emmena près de l’animal. Un aveugle palpa son flanc, le deuxième sa trompe, le troisième frôla une de ses défenses, le quatrième toucha une patte, le cinquième une oreille et le sixième le bout de sa queue. Puis ils s’assirent sous un arbre pour partager leurs impressions. " Je sais ce que c’est un éléphant, dit celui qui avait touché le flanc, ça ressemble à un mur ". Celui qui avait caressé la trompe s’exclama : " pas du tout, on dirait un serpent." Le troisième, se souvenant de la défense, a rétorqué : " bande d’idiots ! ça ressemble à un javelot." L’aveugle de la patte s’écria : " ça ressemble à un arbre !". Pour le cinquième, l’éléphant n’était qu’une oreille, donc un éventail et enfin, la queue pour le sixième assimilait l’éléphant à une corde. Ils allaient en venir aux mains quand le prince qui s’apprêtait à grimper sur sa nouvelle monture s’enquit de leur querelle et, éclatant de rire, leur décrivit ce dont ils n’avaient chacun tâté qu’une partie et dont chaque partie, les flancs, la trompe, les deux défenses, les quatre pattes, les deux oreilles et la queue (et tant d’autres organes cachés, dont le cerveau) constituaient l’éléphant."
Sagesse indienne qui invite chacun à éviter les pièges des fausses apparences, les facilités à portée de la main, la simplification d’une réalité composite et complexe, la vision trompeuse de son miroir, de ses préjugés, de ses intérêts.
Sagesse individuelle modeste mais aussi morale collective exigente … et vous voyez venir le gros éléphant PUGNACE dans le magasin de porcelaine de Saint-Cyprien :
L’intérêt public (le corps), et la volonté publique (le cerveau), est un gros éléphant dont nul n’est fondé à s’approprier la queue ou la trompe. Ni à s’en dire le prince parce qu’il en touche la patte.
N’est prince et ne peut monter sur l’éléphant que celui qui le respecte et s’en fait respecter. L’autre n’est que le cornac qui marche à côté et le pique pour le faire marcher.
Il arrive que l’éléphant se lasse et se rebelle.